Avec notre correspondante à Port-au-Prince, Amélie Baron
6h du matin sur le tarmac de l'aéroport Toussaint Louverture, l'avion-cargo envoyé par le gouvernement français vient d'atterrir. A son bord, 68 tonnes de fret, dont beaucoup de médicaments et de kits pour lutter contre l'épidémie de choléra, et aussi deux stations de production d'eau potable.
Elisabeth Beton Delègue, l'ambassadrice de France en Haïti, assure que tout ce matériel d’urgence sera réparti dans les régions dévastées selon les besoins définis par les autorités haïtiennes.
L'urgence face au risque de choléra
« Evidemment, c’est la DINEPA [la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement, ndlr] qui définit la zone où vont être affectées ces stations, enfin je parle des grosses, explique la représentante de l'Etat français. Des unités d’assainissement ont d’ores et déjà trouvé leur point de chute, avec un déploiement d’hommes bien sûr, puisqu’il y a 60 agents de la sécurité civile qui accompagnent pour assurer le montage et la manutention de ces deux stations. » Des stations « qui sont là pour un temps d’urgence et qui ne resteront pas au pays. Il faut passer de la théorie à la pratique, ça c’est évidemment difficile. »
La pratique, c'est d'acheminer ces stations de fabrication d'eau potable auprès des sinistrés de l'ouragan. Un défi logistique encore non résolu : chacune de ces stations pèse sept tonnes et le transport par voie terrestre d'un tel convoi est encore plus que compliqué.
Eviter de reproduire le fiasco humanitaire de 2010
Les appels aux dons pour Haïti se sont ainsi multipliés un peu partout dans le monde après le passage de l'ouragan Matthew, mais la communauté humanitaire ne veut surtout pas que se reproduise le fiasco de la période post-séisme, où la coordination de l'aide médicale avait été quasi inexistante.
Jean-Luc Poncelet, le représentant de l'Organisation mondiale de la santé en Haïti a tenu à être clair : les besoins en assistance médicale peuvent être comblés sans aide extérieure. « Les victimes après un ouragan, ce ne sont pas des victimes de traumatisme important comme dans les cas d’un tremblement de terre et donc les besoins sont largement couverts par les capacités qui existent. Les meilleures personnes pour aider les Haïtiens, ce sont les Haïtiens, a-t-il affirmé. Les organisations non-gouvernementales sont présentes ici depuis de très nombreuses années, il faut donner priorité aux institutions qui travaillent déjà dans le pays. Elles parlent le créole, elles parlent le français, elles connaissent les gens, et donc ce sont les gens les plus efficaces. Il faut renforcer ce qui existe et éviter de donner priorité à ce qui vient de l’extérieur. »
Ne pas se contenter uniquement de l'aide humanitaire
La recrudescence de choléra inquiète les humanitaires du secteur sanitaire mais un million de doses de vaccins vont arriver prochainement en Haïti et là encore l'OMS a tenu à préciser que le pays avait ou était sur le point de recevoir tout le matériel nécessaire au traitement de l'épidémie.
Le président provisoire Jocelerme Privert assure que les sinistrés et surtout les plus de 175 000 personnes dans les abris vont recevoir de l’aide humanitaire, de l’eau et à manger. Mais le chef de l’Etat ne veut pas qu’il n’y ait que cette aide d’urgence. Il faut, selon lui, des programmes au long terme sinon le pays risque de connaître un exode rural.
« Il faut des interventions beaucoup plus directes, orientées vers la reprise des activités dans les différentes régions du pays affectées par le passage du cyclone, a-t-il déclaré. […] Si nous persistons à apporter de l’aide alimentaire urgente aux victimes sans faire arriver des investissements pour qu’il y ait une circulation d’argent vers les régions affectées, le risque d’un exode vers les grandes villes est toujours là. »