Pérou: deux candidats au coude-à-coude pour un siège de président(e)

Deuxième tour de l'élection présidentielle au Pérou, ce dimanche 5 juin. 23 millions de Péruviens sont appelés aux urnes pour élire leur président pour les cinq prochaines années. Ils devront choisir entre Keiko Fujimori, fille de l'ancien dictateur Alberto Fujimori qui purge une peine de 25 ans de prison pour crime contre l'humanité et corruption, et le libéral Pedro Pablo Kuczynski, ancien ministre de l'Economie et des Mines.

Dans ce pays andin où le vote est obligatoire, 23 millions d'habitants sont appelés aux urnes à partir de 8 h heure locale (13 h TU) et jusqu'à 16 h (21 h TU). Les premiers résultats sont attendus vers 21 h00 (2 h TU ce lundi).

Candidate pour le parti Fuerza Popular (droite), Keiko Fujimori, 41 ans, était depuis des mois en tête des sondages qui la créditaient ce vendredi 3 juin de 50,3 à 52,1% des intentions de vote contre 47,9 à 49,7% pour son rival Pedro Pablo Kuczynski, ex-banquier de Wall Street de 77 ans et candidat de centre-droit.

Mais selon une enquête d'opinion de l'institut GfK relayée ce samedi soir, veille du scrutin, par l'agence Reuters, Kuczynski est crédité de 51,1% des suffrages contre 48,9% pour la fille de l'ancien président Alberto Fujimori. Le Code électoral péruvien interdit la publication de sondages dans la semaine qui précède le second tour, c'est pourquoi cette enquête n'a pas été rendue publique.

Scrutin serré

Pour succéder à l'actuel président de gauche Ollanta Humala, au pouvoir depuis 2011 et qui ne se représentait pas, « la course promet d'être serrée », estime Adam Collins, analyste de Capital Economics, dans une note citée par l'Agence France-Presse.

Au premier tour, le 10 avril, Keiko Fujimori avait fini largement en tête, raflant 39% des suffrages contre 21% pour Kuczynski. Mais depuis, ce dernier a bénéficié d'un front anti-Keiko (comme on l'appelle dans le pays), obtenant notamment le soutien de Veronika Mendoza, arrivée troisième avec 18,74% des voix.

« Pour barrer la route au fujimorisme, il faut voter PKK », surnom de M. Kuczynski, a clamé la jeune parlementaire de gauche. Entre les deux tours, des milliers de personnes ont manifesté pour dire « Non à Keiko ».

L'ombre d'Alberto Fujimori

Car derrière la candidate plane l'ombre d'Alberto, aujourd'hui âgé de 77 ans : descendant d'immigrants japonais, il a présidé le Pérou de 1990 à 2000 et son héritage continue de diviser le pays. Une partie de la population le salue comme l'homme qui a combattu avec succès le Sentier lumineux et dopé l'économie.

Mais d'autres se souviennent des méthodes autoritaires de celui qui a commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992, dans le cadre de la lutte contre cette guérilla. Son bilan sulfureux lui a valu d'être condamné en 2009 à 25 ans de prison pour corruption et crime contre l'humanité, après une rocambolesque fuite au Japon puis au Chili.

L'enjeu sécuritaire

Pablo Kuzcinski a surtout fait campagne contre son adversaire en agitant le spectre d'un retour à l'autoritarisme. Pour le politologue Arturo Maldonado, une partie de la population veut surtout des réponses sécuritaires à la criminalité galopante, ce qui explique que Keiko Fujimori soit favorite.

« Pour près de la moitié de la population, le nom de Fujimori est associé à la dictature, mais pour l'autre moitié, il est associé à l'efficacité de son gouvernement. Le fujimorisme a deux étendards : le premier, avoir réussi à résorber la crise économique et le second, avoir lutté contre la crise de la sécurité intérieure à l'époque du terrorisme », explique ce spécialiste du Pérou contacté par RFI.

Pour lui, la principale préoccupation des Péruviens est aujourd'hui la sécurité. « Keiko Fujimori veut valoriser ce lien entre le combat efficace contre le terrorisme à l'époque et le fait qu'elle sera donc la mieux positionnée pour venir à bout de la criminalité avec la plus grande fermeté, poursuit le chercheur. C'est un message très puissant qui peut convaincre l'autre moitié de la population que malgré les problèmes liés au gouvernement de son père, liés à la démocratie et au fonctionnement des institutions, ce qui compte, c'est d'avoir su combattre le terrorisme et la crise économique. »

La corruption, thème clé du scrutin

L'autre thème central abordé tout au long de la campagne pour la présidentielle au Pérou, c'est la corruption. Pour Fernando Tuesta Soldevilla, professeur de sciences politiques à l'Université Catholique du Pérou joint par RFI, ce problème se situe à plusieurs niveaux.

« Pendant la campagne, on a appris que deux candidats du premier tour, dont un ancien président de la République, étaient impliqués dans des affaires de corruption, rappelle le chercheur. Ensuite, au sein de l'administration publique, des gouvernements régionaux, mais aussi des autorités locales sont visés par de nombreuses plaintes. Et pour finir, Keiko Fujimori aurait utilisé de l'argent lié au trafic de drogue pour financer sa campagne. »

Cette information a été révélée par une chaîne de télévision péruvienne qui aurait eu accès à des enregistrements mettant en cause un proche de Keiko Fujimori dans une affaire de blanchiment d'argent. Aucune enquête n'a pour le moment été ouverte.

(Avec AFP et Reuters)

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