Afghanistan: le bombardement de l'hôpital de Kunduz, pas un crime de guerre

Le Pentagone a rendu publiques vendredi 29 avril les conclusions de son enquête sur le bombardement de l'hôpital de Médecins sans frontières à Kunduz, en Afghanistan, en octobre 2015. L'attaque avait tué 42 personnes et fait plusieurs dizaines de blessés. Le rapport conclut que le centre médical avait été visé par erreur et s'abstient de considérer le raid comme un crime de guerre.

Avec notre correspondant à Washington,Jean-Louis Pourtet

Le général Votel, qui supervise maintenant les opérations en Afghanistan, a présenté les conclusions de l'enquête de 3 000 pages menée par le Pentagone sur le bombardement de l'hôpital de Kunduz le 3 octobre dernier. « L'enquête a déterminé que tant les militaires au sol que ceux à bord de l'AC-130 ne savaient pas que l'avion tirait sur un hôpital pendant l'attaque. L'enquête a conclu que ce tragique incident avait été provoqué par une combinaison d'erreurs humaines, d'erreurs dans le processus et de ratés techniques », a-t-il expliqué.

Seize militaires, dont un général, ont fait l'objet de mesures disciplinaires
pour avoir agi de façon inadéquate, mais aucun ne sera traduit en cour martiale pour crime de guerre car, a expliqué le général Votel, le bombardement de l'hôpital n'était pas intentionnel.

« Les erreurs sont la conséquence du stress du combat », a-t-il poursuivi. L'équipage devait aider les Afghans à déloger les talibans d'une base située à 400 mètres de la clinique de MSF, protéger leurs camarades au sol et se protéger eux-mêmes. Le haut gradé américain a précisé que contrairement à ce qu'avaient déclaré les Afghans, les talibans ne s'étaient jamais servis de l'hôpital comme sanctuaire.

Les Etats-Unis verseront 6 000 dollars aux familles des victimes, 3 000 aux blessés, et 6,5 millions pour reconstruire le centre médical.

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Pour Françoise Bouchet-Saulnier, directrice juridique de MSF, si l’existence d’un rapport est en soi une bonne chose, cela pointe du doigt de graves problèmes de sécurité pour les ONG. « Ce qui est rassurant c’est que ce n’est pas intentionnel, mais ce qui est très, très inquiétant, c’est de voir que finalement ce niveau d’erreur est possible et que donc ça veut dire que dans tous les pays en guerre, nous sommes en danger de mort », s'alarme-t-elle.

Selon elle, si des procédures ne sont pas mises en place, ce type de tragédie risque de se reproduire dans des pays où beaucoup d’armées cohabitent. « Notre principal souci c’est d’éviter les malentendus : est-ce que quand on dit qu’un hôpital est protégé, c’est clair pour tout le monde et ça veut bien dire la même chose pour tout le monde ? Parce que le terme "d’erreur" est quand même un vocabulaire un peu dangereux et glissant. L’autre point sera de travailler avec les forces déployées pour obtenir des garanties concrètes de procédures. Dans le feu de l’action, de la fatigue, quand on transmet des coordonnées aux militaires, on doit pouvoir être sûrs qu'elles ont été rentrées dans le bon appareil et on doit, nous, avoir accès aux numéros de téléphone des forces qui sont actives sur le terrain. Dans l’affaire de Kunduz, il nous a fallu plus de trente minutes d’appel pour que cette attaque cesse », rappelle-t-elle.

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