Avec notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio
La visite du président américain à Cuba est historique. Mais pour que ce voyage s'inscrive au crédit de Barack Obama, il doit avoir une influence positive dans le domaine des droits de l'homme.
La Maison Blanche a pesé les arguments, et M. Obama l'a dit lors d'un entretien en décembre : un déplacement à La Havane n'a de sens que si des progrès sont réalisés, et si la possibilité lui est offerte d'entrer en contact avec tous les Cubains.
Ben Rhodes, artisan du rapprochement Cuba-Etats-Unis dans l'équipe Obama, a mis l'accent sur ce point : « Nous pensons que nous serons en bien meilleure position pour soutenir les droits de l'homme si nous discutons avec les Cubains et si nous posons les problèmes directement. »
Et ce, « qu'il s'agisse de cas individuels qui nous préoccupent, ou que ce soit dans notre dialogue avec la société civile cubaine. De cette manière, nous parlons haut et fort pour les valeurs qui nous sont chères », précise M. Rhodes.
C'est la stratégie Obama : la diplomatie et le dialogue pour aplanir les différends. Une stratégie très critiquée par ses opposants républicains, mais soutenue par l'opinion publique aux Etats-Unis.
Un sondage de l'institut Pew Research estime que plus de 70 % des Etats-Uniens soutiennent non seulement la reprise des relations avec Cuba, mais se prononcent aussi en faveur d'une fin de l'embargo.
■ Chez les dissidents cubains, le scepticisme l'emporte pour l'instant
Si la plupart des observateurs, à l'aune de la visite de M. Obama à Cuba, parlent déjà d'un moment historique, certaines associations de dissidents cubains installés aux Etats-Unis sont beaucoup plus critiques. Raul Ramon Sanchez est le président du Movimiento Democracia Cuba basé à Miami. Il explique à RFI :
« Si le président va à Cuba uniquement pour établir un lien avec la dictature cubaine, alors je suis contre cette visite. Mais s'il va à Cuba pour, en plus évidemment d'établir des liens avec le gouvernement castriste, en créer aussi avec le peuple cubain ; s'il se fait l'avocat de leurs droits, en faveur de la réunification de toutes ces familles séparées (plus de 20 % des Cubains vivent à l'étranger) ; et s'il soutient un processus dans lequel Raoul Castro terminerait son mandat et cette dictature vieille de 57 ans par des élections démocratiques, alors ce serait une visite utile et nous la soutiendrions. Mais jusqu'ici, nous n'avons pas vu de signaux forts d'un président américain affirmant que les droits des Cubains sont plus importants que les intérêts des capitalistes américains, qui veulent s'ouvrir un nouveau marché, ou ceux des dictateurs cubains qui veulent la reconnaissance de l'opinion internationale. »
Autre réaction d'un dissident cubain, mais cette fois-ci dans le pays. Elizardo Sanchez, de l'organisation dissidente Commission cubaine des droits de l'homme, donne son sentiment sur la visite du président américain à La Havane :
« Cuba ne respecte aucun des droits civils et politiques fondamentaux. Le président Obama va malheureusement visiter un pays où la situation est assez mauvaise dans ce domaine. Il rencontrera sûrement des indépendants, des représentants de la société civile, et notamment des organisations dissidentes, mais c'est presque normal. Lorsque le secrétaire d'Etat John Kerry est venu à Cuba, une rencontre de ce type a déjà été organisée à la résidence du chef de la représentation diplomatique américaine à La Havane. Mais l'objectif central d'Obama, c'est de parler au gouvernement cubain, pour l'encourager à engager de vraies réformes, qui n'ont pas encore eu lieu. L'Union européenne non plus n'a rien obtenu, alors qu'elle s'y essaie depuis de nombreuses années. De notre côté, nous nous préparons surtout à une vague de répression politique à la veille et pendant la visite d'Obama. C'est une méthode typique du gouvernement cubain pour faire taire les voix dissidentes. »