■ Comment fonctionne un caucus ?
Pas d'isoloir pour les caucus, mais des réunions de voisinage, plus de 1600 au total, organisées par les partis eux-mêmes. Les participants sont des sympathisants, démocrates ou républicains, en fonction de la case qu'ils ont cochée lors de leur inscription sur les listes électorales. Le lieu : cela va du salon de l'un des militants, à la salle d'une école ou d'un hôtel. Les militants débattent, exposent les mérites de leur candidat.
« C'est un vote privé, chez les gens, où l'on se rencontre au niveau du quartier, de la rue, un vote où il faut aller débattre avec les voisins. Ce n'est pas un vote secret, mais public : il faut en plus se prononcer publiquement en faveur de quelqu'un, justifier son choix. Donc cela demande "un grand investissement" », explique François Coste; spécialiste des Etats-Unis et maître de conférence à l’université de Toulouse-Jean Jaurès.
Mais vient ensuite l'heure du choix, et là tout dépend que l'on soit chez les républicains ou les démocrates. Chez les premiers, la procédure est plutôt traditionnelle, c'est un vote. Après un dépouillement, le bureau transmet le résultat au parti qui comptabilise l'ensemble des votes au niveau de l'Etat et détermine le candidat vainqueur.
Chez les démocrates, c'est beaucoup plus complexe, voire folklorique. Comme il y a trois candidats démocrates cette année, les partisans vont se regrouper en fonction de leur préférence dans différents endroits de la salle. Pour être déclaré viable, un groupe doit contenir plus de 15% des personnes présentes. Si ce seuil n'est pas atteint, les participants sont alors courtisés par les autres pour les rejoindre. A la fin du processus, les groupes restants se voient attribué un nombre de délégués proportionnel à leur taille qui sont désignés pour représenter les électeurs au niveau des comtés, puis de l'Etat et enfin de la convention nationale du parti.
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■ Quels sont les enjeux dans l'Iowa ?
Pour Françoise Coste, ce caucus de l'Iowa est disproportionné : « C'est un grave problème qui revient tous les quatre ans, parce que l'Iowa n'est représentatif de rien du reste de l'Amérique. Sur le plan démographique, il est complètement blanc ; sur le plan économique, c'est un Etat rural et agricole, donc pas du tour représentatif de l'Amérique du XXIe siècle. C'est un Etat où il n'y a pas de grande ville, où il n'y a pas de grand campus. Donc pour les candidats plutôt populaires chez les jeunes et les étudiants, c'est un grand handicap de devoir faire campagne dans l'Iowa. C'est une des multiples bizarreries et anomalies du système politique américain, mais rentré dans les moeurs. »
Sans compter, poursuit la chercheuse, l'enjeu économique « pour l'Iowa, comme pour le New Hampshire la semaine suivante. Les candidats dépensent des dizaines de millions de dollars pour acheter depuis des mois de l'espace publicitaire sur les télés locales en particulier. Pour les médias locaux, c'est une manne incomparable. Donc ces deux Etats ont une incitation économique à continuer à établir leur calendrier de telle façon qu'ils sont les deux premiers Etats à intervenir. »
■ Quels sont les enjeux globaux ?
Côté démocrate, il n'y a que trois candidats, mais en fait seuls deux comptent : Hillary Clinton et Bernie Sanders. Cela fait des semaines que les candidats des deux bords sillonnent les routes de ce petit Etat américain.
« L'enjeu, c'est de jauger l'état d'esprit de la base démocrate », estime François Coste. A savoir si la base est « plutôt dans le moule Clinton, qui est un moule plutôt modéré de continuer la présidence de Barack Obama », ou bien le moule Sanders.
L'auteure de La présidence des Etats-Unis de 1933 à 2006 distingue deux options : « Est-ce que l'on est dans une approche de continuité rhétorique et, dans les faits, de réforme modérée pour essayer de ne pas se mettre à dos le Congrès qui sera républicain ? Donc on est là dans un réalisme électoral qui est de dire : "même si les démocrates gagnent la présidentielle, le Congrès républicain donc on ne peut pas ruer dans les brancards. C'est l'option numéro 1.
L'option numéro 2, avec Bernie Sanders, c'est au contraire de dire : "Obama a été trop tiède, il faut aller plus loin ; on ira au clash avec le Congrès républicain ; faisons table rase du passé ; et plutôt que de construire à partir de ce qu'Obama a fait, de défaire ce qu'a fait Obama - typiquement la réforme de la santé, l'"Obamacare" - pour refaire quelque chose de plus pur idéologiquement pour la base démocrate. »
Côté républicain, c'est peu de dire que l'on attend avec une certaine impatience, voire inquiétude les résultats, pour savoir quel sera le score de Donald Trump, le très exubérant milliardaire qui snobe aussi bien le parti que Fox News.
Ici, « l'enjeu est très clair. C'est la crédibilité de la campagne de Trump, atteste Françoise Coste. Cela fait six mois que tout le monde à l'intérieur du parti prévoit son effondrement. Il ne s'effondre pas. Le dernier espoir qu'on les leaders du parti et des autres candidats, c'est le caucus, qui est très particulier : c'est pas une primaire normale. Beaucoup de républicains font le pari que les fans de Donald Trump, justement parce qu'ils ne sont pas initiés à ce processus très particulier ne feront pas l'effort de prendre le temps d'aller parler, d'aller voter. D'après les meetings, Trump attire beaucoup de personnes qui n'étaient pas politisées jusqu'à présent. Mais attirer et convaincre de voter, ce sont deux choses différentes. Et c'est le test grandeur nature que tout le monde attend depuis six mois. »