Avec notre correspondante à Washington,Anne-Marie Capomaccio
La police de Ferguson n'a pas envenimé les choses aprèsles blessures par balle des deux policiers et reconnaît que les coups de feu ont vraisemblablement été tirés par des personnes isolées, hors de la manifestation. De leur côté, ni la famille de Michael Brown, ni les leaders de la colère contre les violences policières n'endossent ces actes, mais les attribuent à une frustration accumulée après des années d'injustice.
Le ministre Eric Holder est à l'initiative du rapport fédéral sur les abus policiers envers la communauté noire de Ferguson. Il espère que ses efforts ne seront pas minés par des provocations de ce genre : « Je condamne sans équivoque ces attaques répugnantes. Ces actes lâches et dégoutants ont sans doute été perpétrés pour miner les progrès réalisés, et j'espère que cela ne sera pas le cas. »
Une ville devenue symbole
Si la tension ne baisse pas à Ferguson, c’est sans doute parce que tout ce qui est dans le rapport fédéral sur les violences policières et sur le racisme systématique est dénoncé par les manifestants depuis des mois. Or, personne ne les croyait. Il a fallu la mort de Michael Brown, tué par un policier blanc en août, des émeutes raciales et des violences pour que le ministère de la Justice déclenche cette enquête. Et l’enquête, en réalité, ne fait que reconnaître ce que l’on entend à Ferguson dans les manifestations : la dénonciation d’un système qui ciblait la communauté noire dans tous les domaines, un racisme systématique, quotidien et impuni. Aujourd’hui ces faits sont exposés au grand jour et les manifestants demandent des têtes. Le juge, le directeur des services municipaux, le chef de la police sont partis et c’est désormais la police de l’Etat qui va prendre en charge le maintien de l’ordre, mais le maire par exemple n’a pas l’intention de démissionner.
Ferguson n’est pas la seule ville des Etats-Unis où une enquête fédérale sur les pratiques policières a été lancée. Mais c’est le symbole, le laboratoire de la protestation, et personne ne saura pourquoi la mort de Michael Brown plus qu’un autre décès a provoqué cette vague. Car d’après une association de lutte contre les violences policières, depuis que Michael Brown a été tué par le policier Darren Wilson, plus de 350 incidents de ce genre ont eu lieu.
Plusieurs enquêtes fédérales sont d’ailleurs en cours sur les pratiques de la police américaine, comme dans l’Ohio par exemple. A Cleveland, un enfant noir de 12 ans avait été tué par un policier blanc alors qu’il avait un pistolet en plastique à la main dans une aire de jeu. Le rapport fédéral, comme pour Ferguson, est accablant. Mais c’est à Ferguson que la mobilisation tient sur la durée et cette petite ville du Missouri est donc un peu le symbole de « la nouvelle lutte pour les droits civiques ». Et tout le pays observe la situation dans le Missouri, espérant que ce sera le début d'un changement de fond qui aboutira à la fin de ces « pratiques discriminatoires » dénoncées par l'enquête fédérale.