Colombie: cessez-le-feu historique entre Bogota et les FARC

Une décision historique, selon la presse colombienne : le président Juan Manuel Santos suspend pendant un mois les bombardements de l'armée contre la guérilla marxiste des FARC. Ce geste spectaculaire annoncé mardi 10 mars 2015 a pour but d'accélérer le processus de paix entre les rebelles et le gouvernement. Pour l'instant, les FARC n'ont pas encore réagi, mais ils avaient déjà annoncé un cessez-le-feu unilatéral en décembre dernier. Côté gouvernement, c'est la première fois depuis 1984 que les autorités décident d'arrêter les hostilités.

Avec notre correspondant à Bogota.

Le gouvernement ne parle pas encore de trêve. Humberto de la Calle, le chef de la délégation colombienne, l’a bien précisé, ce mercredi 11 mars 2015 dans une conférence de presse à la Havane, où se tiennent les négociations depuis plus de deux ans : seuls les bombardements des camps des FARC sont suspendus. 

En revanche, la lutte contre le trafic de drogue continue et pourrait inclure des actions militaires contre les rebelles. Selon Humberto de la Calle, l’annonce du président constitue toutefois un pas important en direction de la fin du conflit.

En réalité cela fait plus de deux mois qu’il n’y a pas eu d’affrontements entre l’armée colombienne et la guérilla. Les FARC ont annoncé une trêve unilatérale et illimitée en décembre dernier. Le président colombien a reconnu qu’ils avaient tenu leurs engagements. L’arrêt provisoire des bombardements, a-t-il précisé, est une réponse directe au cessez-le-feu décrété par les FARC.

D’autres éléments ont pu favoriser l’initiative du gouvernement colombien. Ce n’est pas un hasard qu’elle intervienne quelques jours seulement après un accord sur le déminage. Les FARC et le gouvernement ont convenu de travailler ensemble pour déminer les zones rurales touchées par ce conflit armé, le plus ancien d’Amérique latine. 

Cette décision est le résultat d’une rencontre entre des chefs militaires colombiens et ceux de la guérilla. Cela s’est passé la semaine dernière à la Havane : pour la première fois depuis le début des pourparlers, des militaires des deux parties étaient face à face.

La diplomatie a pris le pas sur la guerre

Le processus de paix entre dans sa dernière phase, où il sera question de la démobilisation des FARC et de leur intégration à la vie civile. Pour le président Juan Manuel Santos, il est très important d’associer désormais les militaires aux discussions, comme l’explique le chercheur Jean Jacques Kourliandsky, spécialiste de l’Amérique Latine à l'IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques). 

« A cause de la guerre, l’armée est une institution prestigieuse en Colombie. Son budget est l’un des plus élevés en Amérique latine. La paix suscite des inquiétudes. L’armée va devoir redéfinir ses missions et des licenciements ne sont pas à exclure. Du coup, il était nécessaire de les associer au processus de paix afin d’éviter qu’il soit torpillé par les militaires ».

Cela fait plus de deux ans que le gouvernement négocie avec les FARC. La suspension des bombardements montre que les discussions ont bien avancé. Elles sont entrées dans une phase définitive. Les deux parties ont appris à mieux se connaître. Si le cessez-le-feu est respecté, il y a des chances pour arriver à une vraie trêve bilatérale. Mais c’est déjà un tournant dans les négociations.

Elles ont débuté alors que les deux parties s’affrontaient encore sur le terrain. On se parlait tout en continuant à se faire la guerre. Aujourd’hui les autorités et les rebelles sont arrivés à un stade où la table des négociations semble être devenue plus importante que les actions militaires sur le terrain. Mais attention : cela ne concerne que les FARC. 

Le président Santos reproche à l’autre groupe rebelle, l’ELN, l’Armée de libération nationale, de ne pas avoir franchi le pas des négociations. Raison pour laquelle il a annoncé qu’il intensifiera les actions militaires contre l’ELN.

D’après un sondage publié au début du mois, 72% de la population soutient le processus de paix. Mais même si le président sait que les Colombiens sont derrière lui, il souhaite associer l’opposition et la société civile au dialogue. C’est l’objectif de la Commission pour la paix que Juan Manuel Santos vient de créer. 

Plusieurs personnalités politiques, militaires et religieuses ont annoncé leur participation à ce forum censé « accompagner » les discussions. Pour l’instant, l’opposition liée à l’ancien président Uribe, partisan d’une ligne dure contre la guérilla, a décliné l’invitation. En revanche, l’ancien président Andres Pastrana vient de l’accepter. Il avait tenté dans les années 90 un processus de paix avec les discussions d’El Caguan, qui n’avaient pas abouti.

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