Avec notre correspondant à Buenos Aires, Jean-Louis Buchet
Malgré la tempête, qui s’est abattue sur la capitale argentine quelques minutes avant la marche, et la pluie qui n’a pas cessé depuis, il y a avait beaucoup de monde, ce mercredi dans les rues de Buenos Aires : entre 400 000 et 500 000 personnes. Sur l'ensemble du pays, les manifestants étaient sans doute plus d’un million.
Sous les parapluies, la consigne a été respectée ; ce fut une marche silencieuse. Le seul moment où la consigne du silence n’a pas été respectée, c'est lorsque les manifestants sont passés devant l’immeuble abritant les bureaux où travaillait Alberto Nisma, place de Mai. Un cri a alors retenti dans la foule : « Justice ! »
La plupart des manifestants rencontrés disaient vouloir rendre hommage au procureur retrouvé mort à son domicile un mois plus tôt et soutenir sa famille, qui était au premier rang du cortège, entourée des procureurs et juges à l’origine de la manifestation. Avec ces sanglots dans la voix, beaucoup de femmes disaient être là pour les deux filles adolescentes de Nisman.
Au-delà du cas du procureur, les manifestants voulaient exprimer un malaise plus général, à l'instar de Camila, une étudiante de 22 ans. « J’en ai assez de tant d’impunité, de tant d’injustices, de ne pas être écoutée, et pas seulement pour ce qui est du procureur Nisman. Mais j’ai l’espoir que l’on connaîtra la vérité sur son cas », explique-t-elle.
S’il est là pour les mêmes raisons, Alberto, un médecin de 50 ans, est plus pessimiste quant à l’enquête sur la mort de Nisman. Comme beaucoup, il pense qu’on ne connaîtra jamais la vérité : « Je suis là, d’abord pour lui rendre hommage mais aussi pour dire que j’en ai assez. Toutes les mobilisations produisent des changements, mais je doute que la vérité sur son cas soit connue un jour », dit-il.
Selon les sondages, 80% des Argentins croient que Nisman a été assassiné. Des informations contradictoires et non vérifiées circulent dans le pays, ce qui fait douter de la rigueur de l’enquête.
Mais pour l’instant, bien que toutes les hypothèses restent ouvertes, celle du suicide apparaît quand même comme la plus probable d'après l'enquête. Personne ne s’intéresse vraiment aux accusations du procureur décédé contre la présidente qui, de l’avis de nombreux juristes, paraissent peu fondées.
Ce mercredi, la procureure en charge de l’enquête a entendu un témoin très attendu, l’ancien agent de renseignement Jaime Stussio, que Nisman a appelé à plusieurs reprises avant sa mort et qui était son principal informateur sur l’attentat contre la mutuelle juive Amia. Pour l’instant, rien n’a filtré de ce témoignage.
Quelles conséquences politiques après cette manifestation, la plus importante depuis le début des sept ans de mandat de la présidente argentine ? Renée Fregosi, directrice de recherche à l'Institut des hautes études d'Amerique latine, livre son analyse.