Discours sur l'état de l'Union: «Nous tournons la page», déclare Obama

Barack Obama a proclamé la fin de la crise économique aux Etats-Unis, mardi 20 janvier à l'occasion du discours de l’état de l’Union, au Capitole. L'optimisme du président des Etats-Unis a frappé les observateurs, mais il faut dire que tous les indicateurs économiques sont au vert. M. Obama a plaidé pour une meilleure redistribution des fruits de la croissance. Un discours offensif, tant sur la politique intérieure que sur les affaires étrangères.

Avec notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio

« Nous voici quinze ans dans le nouveau siècle. Quinze années qui ont débuté avec une attaque terroriste sur notre territoire, qui ont engendré deux guerres longues et coûteuses, qui ont vu une récession violente se répandre à travers notre pays et le monde. Les temps ont été difficiles. Ils le sont toujours pour beaucoup. Mais ce soir, nous tournons la page. L'ombre de la crise est passée, et l'état de l'Union est fort. »

Tels sont les mots marquants de l'avant-dernier discours sur l'état de l’Union - traditionnelle grand-messe fixant le cap pour l'année à venir - du 44e président des Etats-Unis. Un président qui n'est désormais plus candidat à quelque élection que ce soit : « Je n’ai plus de campagne à mener, a-t-il lancé sous les rires de l'assistance, traditionnellement très réactive à ce discours annuel. Mon seul agenda, pour les deux années à venir, est le même que le jour où j’ai prêté serment sur les marches de ce Capitole : c’est de faire ce qui est le mieux pour l’Amérique. »

Une réforme fiscale pour une meilleure redistribution

Barack Obama surfe sur la reprise, dont bénéficie l’économie américaine plus que tout autre pays au monde. Les sondages semblent d'ailleurs valider sa compétence, puisque plusieurs instituts ont tout récemment diffusé des études démontrant que le président a remonté la pente, à plus de 50% d’opinions favorables. Mais le numéro 1 américain entend désormais lutter pour que le Congrès ne réserve pas les bénéfices de l'embellie économique aux plus fortunés. « Notre pays, a-t-il expliqué, doit choisir de redistribuer les gains d’une économie en pleine expansion. »

Et d'expliquer longuement comment il espère redistribuer les fruits de la croissance américaine : la gratuité des cycles courts à l'université, des crédits d’impôt pour les plus démunis, des congés de maladie et de maternité payés, un appel au Congrès pour l’augmentation du salaire minimum. Et pour financer ces mesures : des hausses d’impôts et la suppression de niches fiscales pour les foyers dont les revenus sont au-dessus de 2 millions de dollars par an.

Vivre avec moins de 15 000 dollars : « Essayez donc ! »

« Aujourd’hui, nous sommes le seul pays développé du monde qui ne garantit pas de congé de maladie ou de congé maternité payé à nos travailleurs ; 43 millions de travailleurs n’ont pas de congé de maladie rémunéré, regrette Barack Obama. Je vais donc prendre des mesures pour aider les Etats à adopter de telles lois dans leur région. Et puisque dans les Etats qui ont mis ces congés de maladie payés au vote en septembre dernier, cela a été un succès, mettons cela au vote, ici, à Washington ! »

Et de plaider, particulièrement offensif : « Envoyez-moi un projet de loi qui donne à tout travailleur en Amérique, le droit d’avoir sept jours de congé de maladie payé ! C’est une mesure juste. Bien sûr, rien ne remplace une augmentation de salaire pour boucler les fins de mois. Et à ceux dans ce Congrès qui refusent toujours d’augmenter le salaire minimum, je dis ceci : si vous pensez vraiment qu’on peut travailler à temps plein et élever une famille avec moins de 15 000 dollars par an, essayez donc ! Sinon, votez pour donner une augmentation aux Américains qui travaillent le plus dur. »

Barack Obama en train de préparer le terrain pour 2016 ?

Autant dire que l'intervention de Barack Obama est très à gauche, pour un président qui n’a que deux années devant lui, et qui a visiblement l’intention de les mettre à profit malgré une inconfortable situation de cohabitation. Sa philosophie va, on s’y attend, perturber quelque peu un Congrès redevenu très libéral après les dernières élections de mi-mandat. Il fallait d'ailleurs voir le visage fermé du conservateur John Boehner, qui se tenait juste derrière M. Obama lors de son discours, en sa qualité de président de la Chambre des représentants.

On sent que le numéro 1 américain n’est plus gêné par son parti, parfois frileux, et qu’il ne cédera rien aux républicains qui dominent désormais les deux chambres du Congrès. La majorité parlementaire est prévenue : elle risque de faire face à un président qui, loin de s'accommoder d'une fin de règne en pantoufles, risque de gouverner à coups de décrets, mais aussi de veto si ses adversaires conservateurs s’attaquent à sa politique, notamment en matière de santé ou de régularisation d'immigrés. Les observateurs de la vie politique américaine ne cachent pas leur étonnement, et estiment que la politique (sociale) annoncée ce mardi pourrait être la meilleure manière de préparer le terrain à Hillary Clinton, candidate pour l'instant naturelle des démocrates en 2016.

Main tendue aux ennemis historiques des Etats-Unis

Même détermination présidentielle sur la politique internationale. Barack Obama veut par exemple tendre la main à l'un des « ennemis historiques des Etats-Unis ». Et en cas de nouvelles sanctions votées par le Congrès contre Téhéran, même menace : le veto présidentiel (sur le sujet, écouter l'extrait plus haut dans cet article). Mais le voisin cubain a été le premier grand dossier sur lequel Barack Obama est revenu ce mardi. « Sur Cuba, nous mettons fin à une politique dont la date de péremption avait expiré depuis longtemps, a raillé Barack Obama. Quand ce que vous faites ne fonctionne pas pendant 50 ans, il est temps d’essayer quelque chose de nouveau. »

Et d'entrer dans le vif du sujet : « Cette année, le Congrès devrait se mettre au travail pour mettre fin à l’embargo. Comme le pape François l’a dit, la diplomatie se bâtit à petits pas. Ces petits pas ouvrent un nouvel espoir pour l’avenir de Cuba. Et après des années en prison, nous avons l’immense joie d’avoir ramené Alan Gross à la maison, chez lui. Bienvenue Alan ! » La présence au Capitole, lors de son allocution, d’un Alan Gross récemment libéré par La Havane après cinq ans passés dans les geôles cubaines, a été saluée par un tonnerre d’applaudissements. Cet homme debout, point levé, remerciant le président pour sa volonté de rapprochement avec Cuba ; voilà une image peu habituelle qui marquera les annales du Capitole.

Obama compte toujours fermer la prison de Guantanamo

Il dit espérer laisser un héritage en la matière, à savoir la paix retrouvée avec ce pays. Toujours au sujet du monde arabo-musulman, Barack Obama a évoqué les deux guerres engagées par son prédécesseur George W. Bush, en Afghanistan et en Irak, et a reconnu que les Etats-Unis étaient toujours engagés dans un conflit contre le terrorisme actuellement. Réaliste sur ce sujet, le président a reconnu que si l’avance du groupe Etat islamique a été stoppée en Irak et en Syrie, le combat n’était pas terminé pour autant. « Ce sera long », a-t-il dit, avant de demander au Congrès de voter un texte de loi qui permette l’utilisation de la force contre le mouvement terroriste EI.

Le président américain est enfin revenu sur une promesse originelle de campagne, celle qui avait d'ailleurs fait l'objet de sa première signature officielle en tant que président en 2009, à savoir la fermeture de la prison de haute sécurité de Guantanamo. Une prison que « le monde condamne et dont l’existence sert d'argument au recrutement des terroristes », a pointé M. Obama. « Ma détermination à fermer cette prison est entière », a repris le président, alors qu'il reste aujourd’hui 122 détenus à Guantanamo, contre 680 en 2003. L’administration américaine espère arriver à ne garder que 80 prisonniers non libérables, pour rouvrir le débat sur la fermeture du centre et plaider un transfert de ces détenus sur le sol américain.

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