Crise politique en Haïti: le pays n'a plus de Parlement

La crise politique s’aggrave en Haïti : le pays n’a plus de Parlement, les mandats des députés et de deux tiers des sénateurs étant arrivés à leur terme, faute d’élections convoquées à temps. Une séance de la dernière chance, convoquée par le président du Sénat, Dieuseul Simon Desras lundi matin pour voter la loi électorale et ainsi prolonger le mandat des parlementaires, ne s’est pas tenue. Aucun élu ne s’est présenté au Parlement. Dans les rues de la capitale, la population est dans l’attente.

Avec notre envoyée spéciale à Port-au-Prince, Stefanie Schüler

Place du Champ de Mars, non loin du Parlement haïtien. C’est ici qu’Elira Paul Felix s’est installée pour vendre des objets artisanaux aux passants et d’éventuels touristes. Haïti n'a plus de Parlement, aussi est-elle très inquiète pour l'avenir et rend l’ensemble de la classe politique responsable de l’instabilité qui s’installe. « Ils ne font rien pour nous, s'indigne t-elle. Ils ne pensent qu’à eux-mêmes et ne s’occupent de personne d’autre. Bien sûr que cela nous concerne, parce que quand tout va bien pour le pays, c’est mieux pour nous. On trouve des clients pour vendre notre marchandise. Maintenant, il n’y en aura plus. C’est mauvais pour nous ».

Alors que l’opposition la plus radicale réclame toujours le départ du président et annonce de nouvelles manifestations, Louisana Lubin soutient le chef d’Etat. « Nous n’avons plus de Parlement. Maintenant le président doit se débrouiller pour faire fonctionner le pays. Qu’il finisse son mandat parce qu’il a été élu par le peuple ». Et il assure faire confiance au président Martelly pour pouvoir diriger le pays par décret. « Oui, parce qu’il est en train de bien travailler », explique-t-il. Michel Martelly lui-même a déclaré ce lundi qu’il n’était pas intéressé à diriger Haïti par décret et a lancé un nouvel appel au calme à la population.


■ Pointée du doigt : l'influence états-unienne en Haïti

Alors qu'il y a 100 ans cette année, commençait l'occupation américaine en Haïti (1915-1934), l’influence actuelle de Washington sur les affaires intérieures du pays, renforcée depuis le séisme de 2010 dont Haïti a commémoré le cinquième anniversaire lundi, devient une question particulièrement sensible.

Dimanche 11 janvier, alors que les tractations de la dernière chance pour tenter de trouver une issue à la crise étaient en cours, l’ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince publiait un communiqué, pour apporter un soutien sans équivoque au président haïtien. Le contenu du texte : Washington continuera de travailler avec Michel Martelly, y compris si ce dernier devait légiférer par décrets afin d’organiser des élections. Un communiqué largement commenté dans la capitale haïtienne, beaucoup y voyant un affront aux parlementaires qui, à ce moment précis, étaient encore en poste.

Dimanche soir, l’ambassadrice des Etats-Unis Pamela White s'est rendue au Parlement de Port-au-Prince sans y avoir été invitée. Un scandale, ont fustigé de nombreux Haïtiens. Trop c’est trop, estime par exemple Gusman Nelson, rencontré au centre-ville : « Vous voulez savoir ce que je pense de la visite de Pamela White ? Ces gens là font depuis longtemps de l’ingérence dans les affaires du pays. Ce sont eux qui ont choisi Martelly, parce qu’il leur a vendu le pays. Mais on rappelle au président qu’Haïti ne lui appartient pas. Dans les prochains jours, il va voir ce qu’il va voir ! »

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