Avec notre envoyée spéciale en Haïti, Stefanie Schüler
Depuis des années, Haïti est enlisé dans une grave crise politique. Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2011, le président Martelly n’a convoqué aucune élection. Résultat : le pays n’a plus de maires et ne compte plus que 20 sénateurs sur 30. Et ce lundi, à 23h59, les mandats de 10 de ces sénateurs et de l’ensemble des députés arrivent également à leur terme. Ce qui signifie qu’à partir de mardi, Haïti n’aura plus de Parlement si aucun compromis de dernière minute n’est trouvé.
Pour éviter le scénario catastrophe, et sous la pression de la communauté internationale, le président a fait plusieurs concessions à l’opposition haïtienne. Le Premier ministre Laurent Lamothe, pourtant proche de Michel Martelly, ainsi que l’ensemble de son gouvernement ont démissionné. Le président du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire a également donné sa démission, tout comme les neuf membres du Conseil électoral provisoire. Des départs exigés par l’opposition.
Moins de 24 heures pour agir
Le président propose également de prolonger le mandat des parlementaires au-delà du 12 janvier. En contrepartie, le chef de l'Etat demande aux parlementaires de voter des amendements à la loi électorale pour pouvoir organiser les élections en retard. « Je profite de cette occasion pour encourager le Parlement haïtien à faire preuve d'esprit de sacrifice et du patriotisme qui a caractérisé ces négociations, en votant dans les plus brefs délais les amendements à la loi électorale, assurant ainsi la continuité du fonctionnement du pouvoir législatif », a déclaré Michel Martelly.
Michel Martelly souhaite aussi que son choix du nouveau Premier ministre, Evans Paul, soit ratifié par le Parlement. Mais six sénateurs s’opposent farouchement au vote et leur blocage empêche pour l’instant une sortie de la crise. Dans ce contexte tendu, Michel Martelly a néanmoins annoncé dimanche 11 janvier la signature d’un nouvel accord. Cette fois, le numéro 1 haïtien n’a même pas négocié avec les parlementaires, s'adressant directement à certains partis politiques. C’est avec eux qu’il a signé ce nouvel accord.
Le document a pour principal objectif la formation d’un nouveau Conseil électoral provisoire. Sauf qu'aucun parti signataire ne représente les six sénateurs de l’opposition. Lors d’une conférence de presse, Michel Martelly a rappelé que les parlementaires avaient encore la possibilité de voter d’ici ce lundi soir la loi électorale pour assurer la continuité de leur mandat. Mais rien n’indique pour l’instant que ce vote pourra avoir lieu dans la journée.
Haïti retient son souffle
On a plutôt l’impression que le président haïtien prépare déjà la gouvernance du pays sans l’existence d’un pouvoir législatif. Il est réconforté dans ce choix par les Etats-Unis. Dans un communiqué de soutien sans équivoque, l'ambassade des Etats-Unis à Port-au-Prince fait déjà savoir que Washington continuera de travailler avec Michel Martelly, y compris si celui-ci devait légiférer par décret pour organiser les élections.
Un calme précaire règne dans la capitale, comme si le pays retenait son souffle. Mais l'inquiétude de la population est palpable. Une nouvelle ère d’instabilité menace Haïti, et l'empêche d’enfin s’engager sur la voie du développement.
■ Un bien triste anniversaire
Haïti commémore aussi ce 12 janvier les 5 ans du séisme de 2010, durant lequel 230 000 personnes ont perdu la vie, 300 000 autres ont été blessées, et quelque 1,2 million d'Haïtiens sont devenus sans abris. La région de Port-au-Prince a été durement touchée, comme plusieurs localités en province, à l’instar de Petit-Goâve. Dans cette ville de 200 000 habitants, située dans l’ouest du pays, très peu de projets de reconstruction ont été menés. Les habitants ont l’impression d’être abandonnés par les pouvoirs publics et la communauté internationale. Notre envoyée spéciale a rencontré Félix Salomon Jeune, un habitant de Petit-Goâve. Ci-dessous, écoutez son témoignage.
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