De notre correspondante à Washington,
Les Etats-Unis souhaitent faire voter un texte qui établisse des règles à minima pour prévenir la libre circulation d’éventuels terroristes. Mais le vrai défi, en réalité, est l’identification des « personnes à risque » avant leur départ pour rejoindre les terroristes.
Les Américains enrôlés avec le groupe Etat islamique sont évalués à une centaine, on sait que la communauté somalienne des Etats-Unis est ciblée par des « recruteurs terroristes ». Certains jeunes de Minneapolis se sont retrouvés en Somalie ou en Syrie. Abdirizik Bihi, qui a créé dans le Minnesota un centre social somalien craint une stigmatisation. « Le problème n’est pas vraiment important, nous parlons de 40 à 50 personnes au maximum. Mais il s’agit de familles que nous avons fortement engagées à parler, car elles nous font confiance, elles ont rapporté les faits, raconte-t-il. Je suis sûr qu’il y a des centaines de communautés qui gardent le silence mais ont des problèmes bien pires. »
Loin de la religion musulmane
Le ministre de la Justice américain a rendu public un plan d’action qui comprend une part prévention, et travaille avec les communautés musulmanes. L’imam Johari Abdul Malik est le directeur d’un centre musulman de Virginie. Il accueille cette initiative avec bienveillance mais cela ne suffit pas. L’imam aimerait que passe un message pour lui essentiel : les terroristes du groupe Etat islamique sont aussi loin de la religion musulmane, dit-il, que les chrétiens le sont de l’Armée de résistance du seigneur, la LRA de Joseph Koni, connue pour ses exactions dans la région des Grands lacs. « Je dis à mes ouailles, 'soyez ouverts, chacun doit accepter de partager sa foi avec ses voisins'…pour pouvoir leur dire : 'Au fait, ces gens qui massacrent en mon nom, ils ne représentent pas ce en quoi je crois. L’armée de résistance du seigneur au Congo, quand ils commettent des atrocités…On ne leur fait pas l’honneur de les assimiler aux chrétiens' ».
Faire de la prévention avant le départ de ces jeunes, être vigilant au retour, tous les pays sont d’accord, à priori, sur ces mesures. Mais il suffit d’une personne pour commettre un attentat, et le danger est réel d’après Nasser Khader, chercheur de l’Institut Hudson. « Ils ne seront pas tous dangereux en rentrant dans leur pays. Mais si un ou deux deviennent des terroristes…alors nous sommes en danger. Trois citoyens danois se sont fait sauter en Syrie et en Irak, il s’agissait d’adolescents. Si vous pouvez les convaincre de se faire exploser en Syrie, vous pouvez les convaincre de le faire dans les pays occidentaux. Donc il y a un risque », analyse-t-il.
L'importance de la communication
Autre point soulevé par l’imam Johari, les dirigeants politiques, ou les journalistes, ont une responsabilité, et un rôle à jouer dans la communication sur tout ce qui touche au groupe Etat islamique. « Si vous avez l’air de gagner, vous aurez plus de disciples, explique-t-il. Et, amplifiée par les médias de masse, c’est cette image de victoire que donne le groupe Etat islamique. Et cela augmente l’attrait. Mais nous avons une formidable histoire à raconter. Le devoir de dire aux jeunes ce que cela est réellement, de mener une guerre contre nature. »
On le voit, les pays travaillent dans toutes les directions, communication, prévention, et coercition, mais d’après Nasser Khader, il faut aussi travailler avec ce qu’il estime être le maillon faible de la coalition contre le groupe Etat islamique, la Turquie. « La plupart d’entre eux entrent en Syrie par la Turquie… Je m’y suis rendu, j’ai vu des jihadistes, j’en ai interviewé certains. Et la police turque détourne le regard. Les Etats-Unis doivent faire leur possible pour obliger les Turcs à fermer leur frontière. »