Ferguson, dans l’Etat du Missouri, a connu une nouvelle nuit de violences. Dix jours après la mort de Michael Brown, le calme n’est toujours pas revenu. Le jeune Noir de 18 ans a été abattu par un policier Blanc de six balles, dont deux dans la tête. La situation suscite de plus en plus de commentaires dans les journaux américains, tout d'abord sur le déploiement de la Garde nationale dans cette petite ville de 21 000 habitants.
Cette militarisation va-t-elle changer quelque chose à la crise, et surtout aux vraies origines de cette colère qui se manifeste dans les rues ? Pas sûr, estime USA Today qui écrit : « L'arrivée de la Garde nationale peut éventuellement ramener l'ordre dans cette communauté en émoi, mais elle n'y ramènera pas la paix ».
Le journal cite d'autres émeutes où le déploiement de la Garde nationale n'a rien arrangé et n'a même fait parfois qu'aggraver les tensions : lors des émeutes raciales à Détroit en 1967, ou encore celles à Los Angeles en 1992. « Envoyer la Garde nationale est depuis toujours un aveu d'échec qui participe autant à la stigmatisation d'une communauté que la violence qu'elle est censée stopper », estime USA Today.
Autre preuve que le gouvernement fédéral tente de prendre les choses en main à Ferguson : le ministre de la Justice, Eric Holder, sera sur place demain, mercredi 20 août. Ce qui suscite ce constat laconique du Washington Post: « On voit bien que la mort de l'adolescent Noir est devenue le symbole de quelque chose d'énorme : un test pour la justice américaine et pour la capacité du gouvernement à surveiller les agents de police censés, eux, surveiller tous les autres ».
La presse s'interroge aussi sur l'identité des fauteurs de troubles. Il faut en effet faire la différence entre les manifestants pacifiques, qui se réunissent tous les jours depuis la mort de Michael Brown pour réclamer justice, et les malfaiteurs qui se livrent à des combats de rue avec les forces de l'ordre.
Le Los Angeles Times rapporte que la nuit dernière 31 personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles des gens qui n'étaient pas originaires de Ferguson ou de la région mais qui venaient de New York et même de Californie. « Pour le chef de la police, l'identité des personnes arrêtées prouve bien que ce sont des étrangers qui sont à l'origine des actes de violence », écrit le quotidien qui poursuit : « A un moment donné, la police, selon ses propres déclarations, a essuyé des tirs nourris. Ce n'était pas le fait des manifestants mais de violents criminels », conclut le Los Angeles Times.
Comment expliquer cette rage qui éclate chaque nuit dans les rues de Ferguson ? Selon le Washington Post, c'est le désespoir des oubliés de la société américaine. « Il est vrai », écrit l'éditorialiste, « que depuis les émeutes raciales de Harlem dans les années 1960, les choses ont changé aux Etats-Unis. Il n'y a qu'à faire ce constat simple : le chef de la Highway Patrol, l'unité de police de l'Etat du Missouri qui a repris le commandement de Ferguson, est Noir. Le ministre de la Justice, qui a ordonné une enquête fédérale indépendante sur la mort de Michael Brown, est Noir. Et le président des Etats-Unis, qui appelle ses compatriotes au calme, est Noir. »
« Seulement voilà, poursuit le Washington Post, ces preuves irréfutables du progrès accompli dans notre pays sur la question raciale n'ont rien changé pour ce jeune Noir de 18 ans, qui ne faisait rien d'autre que se balader dans la rue quand il a été abattu par un policier. Pourquoi ? Parce que les immenses avancées de certains Afro-Américains n'ont pas seulement laissé d'autres Noirs en arrière. Elles ont aussi aggravé leur situation qui est devenue encore plus désespérée qu'elle ne l'était il y a 50 ans », estime le journal.
Une chose est sûre : le monde entier a les yeux braqués sur Ferguson. Et du coup, l'affaire Michael Brown prend une dimension internationale, constate le National Journal. « Amnesty International a envoyé des observateurs sur place. Des Palestiniens twittent des conseils sur la manière de se soigner en cas d'attaque aux gaz lacrymogène. Des moines tibétains ont débarqué à Ferguson et ont proposé de prier et l'agence de presse de l'Etat iranien et les médias officiels chinois diffusent des analyses sur des violations des droits de l'homme aux Etas-Unis. Ce qui a commencé comme le meurtre d'un jeune homme Noir non armé par un policier, dans une petite ville dans la banlieue de Saint-Louis, s'est transformé en incident international », constate le quotidien.