Barack Obama est rentré de vacances. Il s'est entretenu avec son ministre de la Justice et s'est exprimé sur le sujet lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche. Il a appellé une nouvelle fois la police à la retenue. L'administration a envoyé, à la demande du gouverneur, la Garde nationale pour ramener le calme et le président américain a insisté sur le fait que son recours devait être limité car « il est clair que l'immense majorité des gens manifestent pacifiquement ». « Je surveillerai dans les jours qui viennent qu'elle aide, plutôt qu'elle n'aggrave la situation à Ferguson », a-t-il ajouté avant de prévenir les manifestants qui souhaiteraient profiter de la situation pour aggraver les tensions.
Mais, en effet, la situation à Ferguson nécessite une intervention des autorités fédérales américaines : cela fait neuf jours que la ville ne se calme plus, et qu'au contraire les tensions s'accroissent.
La nuit de lundi à mardi a été une nouvelle fois très tendue. Les forces de l’ordre ont lancé des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes vers les manifestants, en riposte, semble-t-il, à des jets de cocktails Molotov.
D’après les témoignages qui sont parvenus à RFI, des coups de feu auraient été tirés. Il y a eu aussi des arrestations. La présence policière reste très impressionnante.
Une situation qui contraste avec la journée de lundi. La levée du couvre-feu avait sembler restaurer une ambiance beaucoup plus détendue. La population de Ferguson avait défilé pacifiquement. On sentait qu’il y avait aussi une volonté de mieux s’organiser. Toute la journée, des personnalités respectées de la communauté - des pasteurs, des responsables d’associations de quartiers - sont venus discuter avec les habitants. L’objectif est notamment d’éviter que des gangs et des casseurs viennent perturber les défilés et n’en profitent pour piller les magasins. Ça, la population n’en veut plus.
Une enquête lente et opaque qui renforce les suspicions
Plusieurs raisons expliquent la colère grandissante de la rue. Tout d'abord, les conditions toujours opaques dans lesquelles est mort Michael Brown. Deux versions s'affrontent : celle de plusieurs témoins, dont un ami du jeune Afro-Américain. Ces témoins rapportent que Michael Brown a été appréhendé par un policier alors qu'il marchait dans la rue. Ce policier aurait par la suite tiré sur le jeune homme, alors que celui-ci avait levé les mains en l'air et criait : « Ne tirez pas ! » L'autre version est celle de la police de Ferguson, qui affirme que le jeune homme a agressé le policier et a tenté de lui dérober son arme.
Les habitants de Ferguson, une ville à forte majorité noire (67%), croient à une véritable exécution pour des motifs racistes. D'autant plus que la lenteur et l'opacité de l'enquête menée par les autorités locales, renforcent encore les suspicions à l'égard des forces de l'ordre. Et puis, c'est sans aucun doute aussi la réponse disproportionnée de la police aux premières manifestations qui explique pourquoi ces dernières n'ont cessé de gagner en ampleur.
Réaction tardive de l'administration Obama
Ce n'est que vendredi dernier, donc six jours après le drame, que le président est intervenu pour la première fois depuis sa résidence de vacances pour lancer un appel au calme. Par la suite, la police locale de Ferguson a été remplacée par la Highway Patrol, la police routière. Il s'agit là d'une police de l'Etat du Missouri qui est maintenant renforcée par la Garde nationale, une force fédérale.
La Garde nationale est une force militaire de réserve des Etats-Unis. Constituée d'environ 350 000 hommes, elle intervient aussi bien sur les terrains de guerre à l'étranger, comme en Irak, que sur le territoire national. Chaque Etat américain peut demander la mobilisation de la Garde nationale. Elle intervient notamment dans des moments de catastrophes naturelles ou en cas d'émeutes.
Ainsi, 42 000 de ses membres ont été mobilisés en 2005 à la Nouvelle-Orléans après le passage de l'ouragan Katrina. Ils ne sont pour l'instant qu'une petite dizaine à être déployée à Ferguson, dans le Missouri et leur mission est limitée. Selon le gouverneur Jay Nixon, les Gardes doivent protéger le centre de commandement de la police.
Une enquête chapeautée par le FBI
En ce qui concerne l'enquête, le FBI – la police fédérale – a envoyé 40 agents sur place pour trouver des témoins du drame.
L'administration Obama a même décidé de prendre en main l'autopsie de la victime. Les résultats de la première autopsie, réalisée par les autorités locales de Ferguson, n'ont toujours pas été publiés. La deuxième, réalisée à la demande de la famille de la victime, a conclu que le jeune homme avait reçu six balles de face, quatre dans le bras droit et deux dans la tête. Des révélations qui risquent d'attiser encore davantage la colère de la rue.
L'affaire pourrait en effet faire tâche d'huile, car elle rouvre le débat sur la violence policière à l'encontre de la communauté noire et sur la discrimination raciale. Ce week-end, des rassemblements ont eu lieu dans d'autres villes américaines, dont Los Angeles et New York. Les gens sont réunis par le même slogan : « Ne tirez pas ! ». Ces mots auraient été les derniers prononcés par Michael Brown.