Les retards dans la construction du Arena Corinthians sont dûs en partie à deux accidents mortels. Le premier, en décembre dernier, causé par un accident de grue, avait entraîné la mort de deux ouvriers. Le second, fin mars, s'est soldé par la mort d'un autre après une chute de 15 mètres. A chaque fois, la justice a bloqué le chantier sur le site d'Itaquerao, nom que les Brésiliens donnent à ce nouveau stade, le temps de mener l'enquête et d'ordonner de nouveaux dispositifs de sécurité dans un chantier qui mobilise 1 600 ouvriers jour et nuit.
Choqués par les accidents, qui ont déjà coûté la vie à huit personnes dans les différents sites de la Coupe du monde, et par les coûts gigantesques de cet événement, les Brésiliens le sont aussi par le discours des organisateurs, à l'image des déclarations de l'idole nationale Pelé -et ambassadeur de la Coupe du monde 2014- au lendemain du dernier accident mortel à Sao Paulo. « Ce qui s'est passé au stade Itaquerao, avec ces accidents, est tout à fait normal. C'est la vie, il y a un accident, il y a des morts... Moi, je m'inquiète davantage de la façon dont sont gérées les entrées et les sorties des touristes à l'aéroport. Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus », avait dit le triple champion du monde à la télévision.
Trois stades loin d'être achevés
Dans ces conditions, la fin des travaux du satde Arena Corinthians envisagée pour ce 15 avril n’était plus tenable, d’autant que des problèmes financiers étaient venus s'ajouter en ce début d’année aux soucis techniques. Les retards concernent l’ampliation des tribunes afin de porter la capacité de ce stade de 44 000 à 68 000 spectateurs. Comme d’habitude, le ministre des Sports, Aldo Rebelo, se montre pourtant rassurant affirmant que le stade de Sao Paulo sera prêt.
Et le stade de Sao Paulo n'est pas le seul à inquiéter la FIFA. Sur les douze stades prévus pour accueillir les matches de cette Coupe du monde, trois sont encore en travaux. Outre l’Arena Corinthians, il y a l’Arena Pantanal, à Cuiaba, dans l’Etat de Matto Grosso, à l’Ouest du pays, et l’Arena de Baixada, dans la ville de Curitiba. Cette ville du Sud du Brésil a même failli être exclue de la Coupe du monde par la FIFA, avant d'éviter cette sanction avec la promesse d’une fin des travaux le 30 avril. Hélas, une grève est venue bouleverser une fois encore le planning, et il est désormais acquis que les travaux ne seront pas achevés avant le 15 mai, voire le 31 mai. Du jamais vu…
Dans les neuf autres stades cela se passe nettement mieux, fort heureusement. Six d’entre eux étaient déjà opérationnels il y a un an, pour la Coupe des confédérations, à savoir le Maracanã à Rio, Mané Garrincha à Brasilia, l’Arena Fonte Nova à Salvador, le Mineirão à Belo Horizonte, l’Arena Pernambuco à Recife et le Castelão à Fortaleza. Les trois derniers ont été livrés au cours des derniers mois, à savoir l'Arena das Dunas, à Natal, inauguré le 22 janvier. Puis, l’Arena Amazônia, à Manaus, a été remis début avril et l’enceinte Beira-Rio, à Porto Alegre, la semaine dernière, même s’il reste de nombreux aménagements à terminer autour du stade.
« Une structure opérationnelle trop opaque »
Comment expliquer que le Brésil soit confronté à de tels retard pour un événement prévu dans les délais habituels ? João Sette Withaker Ferreira, sociologue et professeur d'architecture à l'université de São Paulo, conseiller de la mairie de cette ville, attribue ce retard en grande partie à l'opacité des décisions prises autour de cet énorme chantier. « La structure opérationnelle mise en place pour la Coupe du monde n'est pas du tout transparente », affirme-t-il, évoquant les nombreuses incohérences du projet de Sao Paulo. « Il y avait un stade, le Morumbi, délaissé par décision de la FIFA alors qu'il pouvait parfaitement faire l'affaire avec quelques aménagements. Il a donc été décidé de construire un nouveau stade sur un site où il n'y avait rien. Il est clair que s'ils avaient opté pour le Morumbi, il n'y aurait aucun retard aujourd'hui. Donc, ce qui est en cause ce sont les processus de décisions politiques et économiques qui mènent à faire des choix très, très douteux ».
Un processus d'autant plus contestable qu'il n'y a pas que les stades qui sont en retard, mais bien d'autres équipements à commencer par les aéroports. Mais là, la course contre la montre est en partie terminée car le gouvernement brésilien a jeté l’éponge. Dans la moitié des villes concernées, à savoir Belo Horizonte, Cuiabá, Curitiba, Salvador, Porto Alegre et Fortaleza, les autorités ont reconnu que la fin des travaux prévus pour moderniser les aéroports interviendra bien après la Coupe du monde. Elles se sont donc efforcées de boucler les travaux indispensables en matière de sécurité, et pour le reste elles essaieront d’accueillir les voyageurs au mieux dans les installations existantes.
Un métro aérien vers nulle part !
Exemple de l'absurdité de certaines décisions prises, le métro aérien censé relier le centre de Sao Paulo avec le stade. « Il s'agissait de la principale infrastructure de mobilité prévue à Sao Paulo, explique Joao Whitaker. Ce train, qui devait conduire les supporters jusqu'au stade, continue à être construit alors que le stade ne sera plus au même endroit. Pourtant, les budgets destinés à la construction de ce métro aérien sont des budgets fédéraux destinés à la Coupe du monde, alors que ce moyen de transport se dirige désormais vers un stade qui n'accueillera aucun match de la Coupe du monde ! ».
Autre source de problèmes, la faiblesse relative de l'Etat pour arbitrer les conflits d'intérêts permanents entre les différents acteurs de ce gigantesque chantier, des entreprises de bâtiment aux banques et aux bureaux d'études, sans parler des différents centres de pouvoir politique. Mais malgré tous ces retards, le gouvernement brésilien continue à afficher un optimisme inébranlable, à l'image de la présidente Dilma Roussef, persuadée que la Coupe du monde brésilienne sera un énorme succès pour son pays.
(Avec Elcio Ramalho, RFI Brésil)