Sébastien Velut: «Les relations franco-mexicaines sont très anciennes»

Le président français est au Mexique pour une visite d’Etat de deux jours. Ce voyage est placé sous le signe du cinquantième anniversaire de la visite du général de Gaulle. Il a été voulu par les deux pays pour renouer des relations qui ont été altérées par l’affaire Florence Cassez, cette Française incarcérée au Mexique et détenue pendant sept ans pour enlèvement. Sébastien Velut, directeur de l'Institut des hautes études de l'Amérique latine (IHEAL), décortique les relations franco-mexicaines.

RFI : Ces retrouvailles ont été désirées des deux côtés après la crise qui avait culminé en 2011 avec l’annulation de l’année du Mexique en France. Peut-on dire aujourd’hui que c’est le moment de la réconciliation ?

Sébastien Velut : Oui, c’est ce qu’il faut souhaiter. Ce qui avait été annulé, c’est l’Année du Mexique en France, dont la programmation montrait bien qu’avant cette malheureuse affaire Cassez, les deux pays entretenaient une très riche coopération. Cette brouille avait vraiment jeté le froid. C’était tout à fait regrettable.

Le tout avait été annulé au tout dernier moment. Depuis, a-t-on vraiment retissé les liens ?

Ce que l’on peut constater, c’est qu’il y a vraiment un effort diplomatique des deux pays pour relancer ces liens franco-mexicains qui, en dépit évidemment de la conjoncture un peu moins favorable de ces dernières années, n’ont pas cessé de se maintenir, que ce soit dans le domaine économique ou dans le domaine culturel ou académique.

Aujourd’hui, les échanges sont encore assez limités entre les deux pays. Pourtant, il y a beaucoup d’ambitions dans les secteurs de la santé et de l’aéronautique. Quels sont les domaines porteurs ?

Ce qu’il faut bien voir, c’est que le président du Mexique, Enrique Peña Nieto, élu en 2012, a mis en place un assez ambitieux programme de réformes. Et parmi ces réformes, il y a l’ouverture du secteur pétrolier mexicain qui était jusqu’à présent exclusivement de la responsabilité de la compagnie nationale Pemex. Evidemment, toutes les grandes compagnies pétrolières mondiales, à commencer par Total mais aussi les entreprises de service pétrolier, sont très intéressées à l'idée de rentrer sur ce marché, sur cette production. En Amérique latine, il faut bien voir qu’il y a d’une part le commerce qu’on fait avec les pays, et d’autre part les investissements aussi français dans ces pays, que ça soit au Mexique ou au Brésil, qui représentent des marchés intérieurs importants, qui représentent aussi pour le Mexique une porte d’entrée vers les Etats-Unis.

Par exemple, dans le secteur de l’automobile ?

Dans le secteur de l’automobile, voire de l’aéronautique, où le Mexique s’est vraiment positionné comme un grand pays industriel. Et c’est évidemment intéressant pour attaquer le marché américain de s’appuyer aussi sur des réseaux mexicains.

Pour des raisons historiques bien sûr, on a l’habitude de souligner la proximité culturelle entre les deux pays. D’ailleurs, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti est du voyage. Comment justement expliquer ce rapprochement de toujours entre Paris et Mexico ?

C’est une longue histoire. Je ne sais pas s’il faut remonter à l’expédition mexicaine de Napoléon III, mais en tout cas, elle montre bien que ces relations franco-mexicaines sont des relations très anciennes et que la France a toujours trouvé avec le Mexique, dès le 19ème siècle, un pays partenaire privilégié. De toute façon, c’est un pays indispensable pour nouer des relations solides en Amérique latine. C’est, quasiment à égalité avec le Brésil, la deuxième économie d’Amérique latine aujourd’hui. Donc les relations franco-mexicaines sont très anciennes. Elles se sont construites bien avant l’affaire Cassez et l’annulation de l’année du Mexique. Elles ont encore de bons jours devant elles.

Si on regarde cinquante ans en arrière, c’est cette visite du général de Gaulle. On en parle aujourd’hui, cette fameuse expression « marcher ensemble la main dans la main ». Qu’est-ce que veut dire ce message qu’avait alors prononcé le président français ?

Il y aurait beaucoup à dire sur ces visites de de Gaulle qui est allé au Mexique en 1964 et qui a fait ensuite une visite dans tous les pays d’Amérique du Sud, ce qui est absolument exceptionnel. Mais il est bien évident qu’en 1964, de Gaulle apparaissait comme une alternative à l’hégémonie des Etats-Unis et que cela a été extrêmement bien perçu en Amérique latine et au Mexique en particulier. Pour le Mexique aujourd’hui, qui est un Mexique évidemment sous forte influence des Etats-Unis, le fait d’avoir d’autres options culturelles, d’autres options d’échanges, reste un point important. Et en cela, je suis certain que la France a un rôle à jouer.

On a évoqué rapidement l’affaire Florence Cassez. Aujourd’hui le nom d’une autre femme française apparaît dans l’actualité. Elle s’appelle Maude Versini. Elle accuse un responsable mexicain de garder ses enfants. Est-ce que ce type d’affaires pourrait risquer de malmener les relations entre les deux pays ?

Je ne connais pas cette affaire. Je constate qu’elle relève du droit de la famille, du droit privé. De même que les relations sont fortes entre le Mexique et la France, il y a beaucoup de couples mixtes franco-mexicains, et que ce genre de problèmes malheureusement se posent avec le Mexique comme avec d’autres pays.

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