RFI : Comment Barack Obama sort-il de cette épreuve de force ?
Si vous lisez les journaux, on semble tous d’accord pour voir que la Maison Blanche a gagné son bras de fer avec les républicains. En réalité, quand on voit le contenu de l’accord, il est difficile de déterminer s’il y a vraiment un vrai vainqueur puisque le contenu de l’accord ne fait que continuer le statu quo qui existait pendant ces trois semaines de fermeture gouvernementale. C’est une véritable défaite pour les républicains, mais une victoire assez modeste pour l’administration.
Et John McCain qui avait été battu par Barack Obama en 2008, qui est donc républicain, le dit aujourd’hui : il a honte et c’est l’un des épisodes les plus honteux au cours de ses longues années passées au Sénat.
C’est sûr que personne ne sort de ces histoires vraiment grandi. On aurait pu éviter trois semaines de fermeture gouvernementale, on aurait pu éviter une nouvelle fois d’arriver à quelques heures d’un possible défaut de paiement. Le seul point positif peut-être, à la sortie de cette crise, c’est qu’on peut espérer que les membres les plus jusqu’au-boutistes du parti républicain à la Chambre auront finalement appris que leur tactique n’est pas efficace face à un Sénat où la majorité démocrate et un président démocrate tiennent leur position, celle de ne pas négocier sur l’ouverture du gouvernement fédéral et la dette de l’Etat américain.
Voilà pour le camp politique. Comment réagit l’opinion ? C’est vraiment un ras-le-bol généralisé ?
L’opinion avait de plus en plus une très mauvaise image du parti républicain qui souffrait de manière sévère dans les sondages. Les démocrates, eux, n’ont pas réellement bénéficié d’un quelconque bonus de la part de l’opinion publique mais c’est surtout la marque républicaine qui a souffert. On est quand même très loin des futures élections qui seront en novembre de l’année prochaine. Il paraît un petit peu prématuré de penser que ça aura des conséquences sur ce scrutin. Mais pour l’instant, au niveau de l’opinion publique, les républicains ont essuyé une défaite assez considérable.
Mais au-delà de cette crise, des problèmes structurels ont surgi puisqu’on a pu percevoir la capacité de nuisance des éléments les plus extrémistes. Est-ce que ça appelle à des modifications profondes justement ? Par exemple, pour les primaires ?
Des modifications profondes sur l’organisation des primaires, ça me paraît tout à fait difficile à envisager dans la mesure où ce sont les Etats qui sont responsables de l’organisation de leurs propres élections et les partis eux-mêmes qui peuvent gérer leurs élections primaires sous la supervision du gouvernement fédéral, de l’Etat fédéral. Des réformes structurelles ne semblent pas réellement à l’ordre du jour malheureusement, parce qu’il y a fort à penser que ce genre de situation pourrait se reproduire puisque les mêmes probabilités de blocage par une minorité, soit à la Chambre soit au Sénat, pourraient tout à fait se reproduire à l’avenir.
Malgré les réticences de l’opinion publique ?
Malgré les réticences de l’opinion publique dans la mesure où les ultra-conservateurs qui tentent à réellement pousser pour le jusqu’au-boutisme sont soutenus dans leur circonscription par la majorité de leurs électeurs. Donc ils n’ont pas à souffrir d’une vague nationale contre le parti républicain si, dans leur circonscription, ils continuent à bénéficier du soutien de leurs électeurs propres.
Est-ce que cela signifie en fait que l’on va revivre le même psychodrame dans quelques mois ?
On peut espérer que ce ne soit pas le cas pour une bonne et simple raison, c’est que 2014 est une année électorale pour un tiers des sénateurs et pour les membres de la Chambre. Et on peut imaginer que les républicains n’aimeraient pas passer un nouvel épisode similaire qui pourrait leur nuire fortement en pleine année électorale. Sans doute s’achemine-t-on vers un accord probablement marginalement différent, donc un accord a minima d’ici le 15 janvier pour éviter une nouvelle fermeture gouvernementale et un relèvement du plafond de la dette dans le courant du mois de février qui serait une suspension dans le même type de mécanisme qu’on a vu adopté hier.
Des conséquences intérieures indéniables, mais il y a aussi des commentaires à l’étranger, dans les milieux économiques bien sûr mais également politiques avec Pékin qui, en quelque sorte, se moque des politiciens qui sont davantage préoccupés par leurs problèmes personnels et qui se montreraient irresponsables. Il y a un vrai problème d’image en dehors des Etats-Unis ?
C’est tout à fait exact. Le fait est qu’au sein du Congrès américain, l’opinion du reste du monde n’a pas réellement d’influence et que ce qui demeure le plus important, c’est l’opinion de leurs électeurs dans leurs circonscriptions ou dans leurs Etats. L’opinion publique américaine d’une manière générale ne prête pas une attention démesurée à ce qui se passe en dehors des Etats-Unis. Donc de l’extérieur, on voit des mécanismes politiques qui semblent suffisamment dysfonctionnels, pouvant prêter parfois à la critique. A l’intérieur du système politique américain, ils observent les mêmes dysfonctionnements politiques mais ils tendent à les attribuer à un camp plutôt qu’à un autre en fonction de leur propre vision partisane.