Avec notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio
Ces dernières heures, les textes ont fait la navette entre la Chambre des représentants et le Sénat. Mais en réalité, les parlementaires n’ont pas avancé d’un iota. La Chambre a envoyé au Sénat des textes de Loi de finances qui retardaient d’un an la mise en place de la réforme sur la protection sociale. Ces textes, amendés et rétablissant l’«Obamacare», ont été renvoyés à la Chambre par les sénateurs... C’est ce que l’on appelle un dialogue de sourds. Et faute de Loi de finances, un tiers des fonctionnaires sont donc en chômage technique ce mardi 1er octobre.
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Les appels à la responsabilité de Barack Obama et ses contacts personnels avec les leaders républicains n’ont pas fait la différence, même si, d’après les sondages réalisés par tous les médias, les Américains sont fatigués de cette crise et qu’en grande majorité, ils rendent les républicains responsables de cette fermeture des services de l’Etat.
Fronde parmi les élus républicains
Mais les lignes commencent à bouger au sein du parti républicain. Puisque la crise est consommée, que personne n’a cédé, les élus vont peut-être, enfin, négocier. Tout est possible. Au sein du parti républicain, on a assisté au cours de la nuit à une rébellion des modérés, qui ont voté contre leur parti pour éviter une mise en chômage technique des fonctionnaires. Mais ils n’étaient pas assez nombreux : quelques voix ont manqué. Cela signifie que certains commencent à se lasser de cette guerre contre la Loi sur la couverture sociale - l’«Obamacare» -, votée voilà trois ans.
Car, les analystes sont tous d’accord sur ce point : cette crise est nocive pour le parti républicain. Les seuls qui vont retirer un bénéfice de cette crise sont les élus d’extrême droite, du Tea party. Cette formation ultra libérale est contre tout ce qui vient de l’Etat et met un point d’honneur à refuser toute proposition de Barack Obama, jugé illégitime.
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« Cette loi (l’« Obamacare », ndlr) est passée sans une seule voix républicaine. Je pense que le résultat de la présidentielle aurait pu être différent. Certes [Barack Obama] a été réélu, mais la Chambre aussi a été réélue, avec une majorité conservatrice », expose ainsi Amy Kremer, chef de file du Tea Party. Elle accuse par ailleurs le sénateur démocrate Harry Reid de vouloir « une fermeture des services de l’Etat car il pense que ce sera une victoire politique pour les démocrates en 2014. »
Quant aux élus républicains modérés, ils risquent leur siège aux élections de l’an prochain.
Les conséquences immédiates du « shutdown »
Mais en attendant que les élus parviennent à trouver un accord, 800 000 fonctionnaires américains sont en chômage technique. Cela signifie que de nombreux secteurs tournent au ralenti, ou ne fonctionnent pas du tout.
La NASA est presque complètement fermée : 97 % des 18 000 employés sont forcés de rester chez eux. C’est le cas également pour les fonctionnaires qui travaillent pour l’Agence de protection de l’environnement, ce qui a pour conséquence la fermeture des parcs nationaux, dès ce mardi 1er octobre.
Les secteurs de la Santé et de la Défense sont privés de 50 % de leurs employés. Dans les hôpitaux ne travaillent plus que les personnels médicaux qui s’occupent des malades. Dans le secteur de la Défense, tout ce qui touche à la sécurité nationale continue de fonctionner, dont la lutte anti terroriste, bien sûr. Les militaires sont à leurs postes et cela ne change rien aux contrôles douaniers.
Ces fonctionnaires qui continuent à travailler seront certes payés, mais avec du retard, tandis que pour les personnels jugés « non essentiels », c’est un congé sans solde forcé.
Au-delà de la désorganisation provoquée par cette crise, cette fermeture des services de l’Etat coute 200 millions de dollars par jour aux Etats-Unis.
Le coût des fermetures est évalué à 200 millions de dollars par jour. Les Etats-unis peuvent supporter deux ou trois jours de pertes à ce niveau. Au-delà, la situation deviendra particulièrement grave. En 1995, une crise similaire avait duré trois semaines, le « shutdown » (fermeture) des agences fédérales ayant duré du 16 décembre 1995 au 6 janvier 1996. Rappelons cependant que les Etats-Unis sont un Etat fédéral et que de nombreux services dépendent non de Washington mais des Etats.
Les militaires toucheront leur solde
Le président américain s'est adressé aux militaires pour les rassurer sur le paiement de leurs soldes. Les deux chambres du Congrès ont chacune approuvé un texte qui garantit que les militaires seront payés à temps quoiqu'il arrive.
« Aujourd’hui je veux vous parler de ce qui va se passer pour la suite », a déclaré Barack Obama. « Les menaces sur la sécurité de notre nation n’ont pas changé, et nous avons besoin de vous pour toute situation d’urgence. Les opérations militaires en cours, comme nos opérations en Afghanistan, continuent… Nous allons faire tout ce qui est possible pour que vous ayez tout ce dont vous avez besoin pour remplir votre mission. Le Congrès a voté un texte que je vais signer, pour être sûr que vous receviez vos soldes à temps. Pour ce qui concerne les civils du département de la défense, je sais que les jours qui viennent sont incertains. Vos et vos familles méritez mieux que les dysfonctionnements du congrès. »