Procès Manning: traître ou héros, les réactions en attendant le verdict final

Au lendemain de l'annonce de la condamnation du soldat américain Bradley Manning les réactions, entre indignation et satisfaction sont nombreuses. Le jeune homme de 25 ans à l'origine de la plus grande fuite de documents américains de l'histoire a été reconnu coupable de 20 des 22 chefs d'inculpation. On connaîtra aujourd'hui mercredi la durée totale de la peine, mais il risque jusqu'à 136 ans d'emprisonnement.

Si le verdict est très lourd, pour le jeune soldat qui a transmis des milliers de documents confidentiels au site WikiLeaks, Bradley Manning échappe à la prison à perpétuité sans remise de peine, car la charge de « collusion avec l'ennemi » n'a pas été retenue.

Une bonne nouvelle pour Kristinn Hrafnsson, journaliste et porte-parole de WikiLeaks, même s’il souligne le caractère historique d’une condamnation d’un lanceur d’alerte. « Si cette charge avait été retenue, c’était très grave, non seulement pour Bradley Manning, mais aussi pour tout le journalisme. Cela aurait signifié que chaque lanceur d'alerte qui aurait informé les médias de crimes mêmes les plus graves aurait pu être inquiété de la sorte », explique-t-il au micro de Nicolas Ropert. Il a ajouté que WikiLeaks continuerait quand même de mener son travail.

Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, a lui désigné Manning comme étant « la plus importante source journalistique que le monde ait jamais vue ». Il a pointé « un dangereux précédent qui montre l''extrémisme de ceux qui veulent défendre la sécurité nationale».

Secret d’Etat contre violation de droits humains

Parmi les soutiens de Bradley Manning en France, Patrick Le Hyaric, eurodéputé au Front de gauche a signé une lettre ouverte en sa faveur. Il réclame plus de protection pour les lanceurs d'alerte et un débat public sur leur rôle. Il explique : « On ne conteste pas, à ma connaissance, ce qu’il a révélé, mais on le traite devant les tribunaux comme dans les pires sociétés à caractère dictatorial. Le traitement de ces lanceurs d’alerte, poursuivis, qui ne peuvent plus rentrer aux Etats-Unis, ajouté à l’espionnage généralisé auquel se livrent les Etats-Unis montrent qu’il faut un débat public international, autour de ce comportement. […] on ne peut pas condamner des gens qui disent des vérités ».

Même son de cloche du côté d’Amnesty International, pour Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France, « Bradley Manning n’a fait que révéler des informations relatives à des violations graves des droits humains, commises par les Etats-Unis ou des représentants des Etats-Unis ». Elle souligne la position des Etats-Unis depuis le 11 septembre : « Qui ont utilisé la notion du secret d’Etat pour protéger et dissimuler les violations graves commises dans le cadre de la guerre contre le terrorisme ». Pour elle, le parallèle avec l’affaire Snowden est évident : là aussi, il est question de « divulgation d’informations sur des violations».

Un militaire doit respecter le secret lié à des informations secrètes

Mais tout le monde aux Etats-Unis ne condamne pas ce verdict. Daniel Finnan, de la rédaction anglophone de RFI a interrogé Mike McDaniel. Ce blogueur conservateur américain, se félicite de la sévérité du jugement : « C'est probablement le verdict qu'il fallait. Je sais bien que la plupart des gens pensent que si un agent découvre quelque chose de problématique, il est normal de rendre public ces secrets du gouvernement. Mais ce n'est pas du tout la même chose pour les membres de l'armée. […] Quand vous avez accès à des informations secrètes, vous ne savez pas forcément ce que cela représente. C'est le cas en particulier avec des informations des services de renseignement comme c'était le cas pour Manning. Vous allez peut-être vous dire : 'oh mon Dieu, c'est quelque chose que le public doit savoir'. Mais en révélant ces secrets, vous pouvez causer d'incroyables dégâts dont vous n'avez aucune idée ».

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Manning : un exemple de l'administration Obama ?

Avec notre correspondant à New York, Karim Lebhour

Le gouvernement américain a voulu faire un exemple avec Bradley Manning. C’est un avertissement qui est lancé à tous ceux qui chercheront, à l’avenir, à dévoiler des documents classifiés. La loi américaine protège partiellement les journalistes, même si c’est de moins en moins le cas, mais ne protège pas leurs sources et en tout cas, pas ceux qui donnent des documents aux journalistes.

Le prochain sur la liste, c’est indéniablement Julian Assange, que les Etats-Unis veulent voir traduit en justice. Les Etats-Unis déploient également beaucoup d’efforts pour récupérer Edward Snowden, qui est toujours à l’aéroport de Moscou. Il faut noter que l’administration Obama est l’une des plus actives dans la chasse aux auteurs de fuites : sept personnes inculpées sous la présidence de Barack Obama, alors qu’il n’y a eu que trois cas sous l’ensemble des présidents précédents.

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