WikiLeaks: Bradley Manning «coupable», mais sans «collusion avec l'ennemi»

Le verdict est tombé ce mardi 30 juillet. La justice militaire américaine a reconnu Bradley Manning, 25 ans, coupable dans 20 des 22 chefs d'inculpation qui pesaient sur lui. Le soldat qui avait transmis des milliers de documents confidentiels au site WikiLeaks échappe à la prison à perpétuité sans remise de peine, car la charge de « collusion avec l'ennemi » n'a pas été retenue. Mais le verdict est tout de même très lourd.

Selon des témoins, Bradley Manning avait les lèvres serrées au moment du verdict. Il a donc été condamné très lourdement après un procès long de huit semaines. Il était accusé sur 22 motifs différents. Dans deux cas seulement, il n'est pas reconnu coupable, contre 20 autres charges où la sentence tombe.

Dans le détail, Bradley Manning a été reconnu coupable de violation de la loi sur l'espionnage, de « conduite de nature à jeter le discrédit sur les forces armées », de « fraudes informatiques » ou encore de « vol ». Il risque, selon des calculs approximatifs, plus de 100 ans de prison. Car dans le système américain, les peines s'additionnent.

On saura véritablement mercredi 31 juillet dans la journée combien de temps le « lanceur d’alerte » passera derrière les barreaux. C'est à partir de 9 h30 (heure locale) que la justice militaire fixera la peine pour chaque charge. Bradley Manning a déjà passé trois ans en prison de manière préventive, la plupart du temps à l'isolement - ce qui a fait dire à plusieurs organisations qu'il subissait une torture psychologique.

Bush et Obama renvoyés dos à dos

Ce mardi, des rassemblements avaient lieu au moment du verdict et d'autres étaient prévus dans la soirée, pour s'opposer à la condamnation de Bradley Manning. Depuis l'arrestation du soldat, ses défenseurs sont réunis dans un réseau qui s'appelle « Free Bradley Manning ». Ils ont lancé des collectes de fonds pour sa défense.

A l'occasion du procès, ces soutiens ont appelé tous ceux qui épousent leur cause au rassemblement devant la base militaire de Fort Meade. D'autres appels ont été lancés via internet, sur les réseaux sociaux. Les membres d'Occupy Wall Street, mouvement qui avait donné de la voix en 2011 à New York, ont donné rendez-vous ce mardi soir à 20 h30 (heure locale) sur une place de Washington.

Sur Twitter, de nombreux internautes s'indignent du jugement. Ils renvoient Barack Obama et son prédécesseur républicain George W. Bush dos à dos. On parle de Bradley Manning comme d'une victime du gouvernement fédéral.

Secret-défense

Alors, qui est Bradley Manning ? Ce soldat était en poste en Irak de novembre 2009 jusqu'à son arrestation en mai 2010. Il a reconnu avoir fait fuiter quelque 700 000 documents militaires et diplomatiques. Il travaillait en fait comme analyste du renseignement pour l'armée américaine. Il raconte avoir eu accès à des documents dont la nature l'a profondément choqué. Notamment une vidéo qui, depuis, a fait le tour de la planète. On y voit un hélicoptère de l'armée américaine bombarder des civils, dont des journalistes en juillet 2007.

C'est à ce moment-là, selon la défense, que le jeune soldat a décidé de livrer les documents auxquels il avait accès au site internet WikiLeaks. Parmi ces documents : les fameux câbles diplomatiques mais aussi des informations classées secret-défense. Et ce qu'a plaidé l'accusation, c'est que le soldat Manning savait que les ennemis des Etats-Unis pourraient utiliser ces informations.

« Nous n'avons pas gagné la guerre »

Côté défense, l'avocat du jeune homme, David Coombs, a passé son temps à présenter son client comme quelqu'un de jeune, naïf et bien intentionné durant le procès. Il voulait provoquer un débat public, affirme le camp Manning. La défense a présenté un être fragilisé, notamment par ses troubles d'identité sexuelle. Mais le procureur, qui est à charge dans la justice militaire américaine, a balayé cette posture. Il a dépeint un être égoïste et téméraire. « Vous n'êtes pas un lanceur d'alerte, mais un traître », a assené Ashden Fein.

Comme le résume sur Twitter ce mardi un supporter de Bradley Maning : « Nous avons gagné une bataille », la charge de collusion avec l'ennemi n'étant pas retenue, « mais nous n'avons pas gagné la guerre ». On pourrait même dire qu'ils l'ont perdue.

D'après le site de WikiLeaks, le verdict prononcé illustre le « dangereux extrémisme (...) de l'administration Obama. Les condamnations de Bradley Manning comportent cinq chef d'espionnage. Un nouveau précédent très grave en matière de divulgation d'informations à la presse. »

Dans le même esprit, l'organisation Reporters sans frontières a clairement dénoncé ce verdict « redoutable pour le journalisme d'investigation et ses sources ».

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