Trois ans après la diffusion de la vidéo Collateral Murder (« Meurtre collatéral ») et la publication de câbles diplomatiques confidentiels, la scène médiatique braque à nouveau ses objectifs sur WikiLeaks cette semaine. Outre le procès en cours de Bradley Manning, les organisateurs du Festival international du film de Toronto ont annoncé que le film relatant l’histoire du site lanceur d’alertes sera en ouverture de l’édition 2013.
Mais l’événement qui a fait le plus de bruit cette semaine est sans doute le lancement par Julian Assange de WikiLeaks Party, la plate-forme politique issue de l'association à but non lucratif qui recueille des soutiens et des sympathisants dans le monde entier.
Cloîtré depuis un an dans l'ambassade d'Equateur à Londres, Julian Assange est devenu un habitué des téléconférences. C'est dans une bibliothèque municipale de la banlieue de Melbourne que le fondateur de WikiLeaks, ou plutôt son image projetée sur un écran depuis Skype, a placé son nouveau parti dans la course aux sièges du « Senate » australien. Une initiative qu'il évoquait depuis plusieurs mois et qui a commencé à se concrétiser en avril lorsque le parti a été inscrit à la Commission électorale australienne.
Sept candidats dans trois Etats
Les élections sénatoriales sont prévues pour décembre 2013 et WikiLeaks Party compte présenter sept candidats, des universitaires majoritairement, répartis sur trois Etats, dont Julian Assange lui-même. « Nous ferons peser nos principes fondamentaux de transparence, de responsabilité et de justice sur toutes les questions auxquelles est confrontée l'Australie actuellement », annonce le programme de campagne du parti. Peu exhaustif, ce programme se focalise sur quelques axes fondamentaux : la liberté des flux d'information, la protection des lanceurs d'alertes et la défense de la souveraineté nationale.
Malgré ce flou et le manque d'expérience politique des candidats, le jeune parti peut compter sur la popularité de l'Australien aux cheveux blonds blancs. Plusieurs sondages réalisés au premier semestre 2013 attribuent à Julian Assange des intentions de vote non négligeables. Selon Roy Morgan Research, un institut d'études de marché, 21% des Australiens pourraient potentiellement voter pour sa nouvelle formation politique.
Un défi difficile à relever
Les sièges au Sénat d'Australie sont pourtant chers car peu nombreux : il compte 76 parlementaires, soit douze par Etats, plus quatre pour les deux territoires continentaux. Le parti WikiLeaks vise la Nouvelle-Galles du Sud, l'Etat le plus peuplé du pays, le Victoria, dont la capitale est Melbourne, et l'Australie-Occidentale, l'Etat le plus grand. Un pari difficile dans un paysage politique bipolarisé par les traditionnels Parti travailliste et Parti libéral.
Conquérir l'électorat australien sera une tâche d'autant plus compliquée que le leader du parti WikiLeaks ne peut pas faire campagne personnellement dans son pays. Même s'il est élu, il y a de fortes chances pour que Julian Assange ne puisse pas quitter Londres et soit remplacé.
Certains observateurs considèrent cette conversion à la politique comme un moyen pour le fondateur de WikiLeaks d'échapper à la justice américaine. Dans un entretien accordé au site australien The Conversation, il affirme que son élection au Sénat ne peut qu'inciter le département de la Justice américain à retirer son enquête pour espionnage pour éviter un conflit diplomatique international.
Le parti WikiLeaks ne manque pas de rappeler ces formations politiques nées dans les années 2000 en Europe et connues sous le nom de « partis pirates ». En France, lors des législatives de 2012, le Parti Pirate a obtenu 32 090 voix.