Imbroglio diplomatique après l’escale forcée du président bolivien à Vienne

L’escale forcée du président bolivien à Vienne a provoqué un imbroglio diplomatique, voire une véritable crise diplomatique entre l’Amérique latine et l’Union européenne. Au point que les ambassadeurs de l’UE ont prévu une réunion, ce jeudi 4 juillet, à Bruxelles pour tenter de définir une position commune sur cette affaire qui menace les relations entre les deux continents. Les pays de l’Unasur vont faire de même.

Depuis 24 heures le ton n’a cessé de monter, les réactions indignées se sont multipliées en Amérique latine. Le point de départ de cette affaire est en France, où règne au minimum une certaine confusion : Paris avait tardé à donner son autorisation de survol à l'avion du président bolivien, ayant reçu des informations selon lesquelles l'ancien agent de la NSA (Agence nationale de sécurité), Edward Snowden, recherché par les Etats-Unis pour une fuite d'informations sensibles, s'y trouvait. Une interdiction temporaire de survol du territoire français qui a forcé Evo Morales à faire escale en Autriche, et provoqué la colère de celui-ci.

Le ministre français des Affaires étrangères a très vite appelé son homologue bolivien pour lui exprimer ses regrets, et le président Hollande affirme qu’il a immédiatement donné son accord de survol dès qu’il a su que le président était à bord, faisant part des regrets de la France. Mais le mal était fait. Et dans la classe politique française, les réactions ne se sont pas fait attendre : le Parti de gauche, les centristes et le Front national ont dénoncé l’attitude du gouvernement.

Des drapeaux français brûlés à La Paz

Une attitude qui a tout de même fait descendre les Boliviens dans la rue. Hier, à La Paz, les manifestants brulaient des drapeaux français. Rappelons tout de même qu’il n’y a pas que la France qui a dans un premier temps refusé le survol de son territoire, il y aussi le Portugal, l’Espagne et l’Italie. Mais de ce côté, c’est le silence.

A son arrivée à l’aéroport de la capitale bolivienne, le président Morales a tenu une conférence de presse, et a dénoncé une tentative d’intimidation de la part des Européens. « C'est une provocation ouverte envers tout le continent, a-t-il affirmé, et pas seulement envers le président. Mais ils ne vont jamais nous intimider, ils ne vont jamais nous faire peur, car nous sommes un peuple digne et souverain. Je ne peux pas comprendre que certains pays se comportent comme des servants fidèles et obéissants de l'empire nord-américain ».

Le soutien de l'Amérique latine

Le président bolivien a reçu le soutien de l’ensemble de ces voisins : de l'Equateur et de la Bolivie, ses traditionnels alliés, mais également celui du Chili, alors que les deux pays n’ont pas de relations diplomatiques. Quant au Brésil, il a demandé des excuses aux Européens. L’Union des nations sud-américaines a qualifié « d’étrange » ce refus de survol en soulignant que cette histoire se passe au moment même où les pays européens se disent préoccupés par l’espionnage dont ils font l’objet de la part des Etats-Unis.

La présidente argentine Christina Kirchner a eu des mots très durs envers les Européens : « Son avion présidentiel, militaire, disposant d'une immunité absolue et indiscutable, a été illégalement détenu dans la vieille Europe, et quand je dis "la vieille Europe" je ne le dis pas en l'air : ce sont les vestiges d'un colonialisme que nous pensions totalement révolu. Pour nous, cela constitue non seulement une humiliation pour un pays frère, mais pour toute l'Amérique du Sud. »

Et même à l’ONU, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon dit comprendre les préoccupations de la Bolivie. A Genève, l’ambassadeur de Bolivie auprès des Nations unies a dénoncé un acte d’agression, et une « violation des règles du droit international ». Et de fait, la question se pose : la convention de Vienne sur les relations diplomatiques stipule qu’un pays doit assurer la libre circulation des diplomates étrangers sur son territoire, sauf en cas de menace pour la sécurité nationale. Ce qui s'applique aux chefs d'Etat puisqu'ils dirigent la diplomatie de leur pays. A moins d'avoir déclaré le chef d'Etat en question persona non grata.
 

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