Mort du général Videla: l'Argentine se souvient-elle des années noires?

L'ancien dictateur argentin Jorge Rafael Videla, mort en prison ce vendredi 17 mai à l'âge avancé de 87 ans, alors qu’il purgeait une peine à perpétuité pour crimes contre l'humanité, n'avait jamais émis de regrets pour la disparition de milliers d'opposants sous la junte militaire au pouvoir entre 1976 et 1983. Comment l’Argentine a-t-elle réagi à l’annonce de son décès ?

Avec notre correspondant à Buenos Aires, Jean-Louis Buchet

Evidemment, les proches de victimes des années noires lui en voulaient. Mais ce n’est pas la majorité des Argentins. Ceux qui n’ont pas été directement touchés par les crimes de cette époque - et ceux qui sont nés après la dictature - étaient relativement indifférents au sort de Jorge Rafael Videla, figure majeure des années de dictature militaire, entre 1976 et 1983.

La plupart d’entre eux voient d’une manière positive le fait qu’il soit mort en prison, après avoir été condamné à perpétuité. Ils sont convaincus qu’il était le principal responsable des milliers de morts et de disparus de la dictature, parce que l'ex-général n’avait pas été jugé par des tribunaux d’exception mais par la justice ordinaire, avec toutes les garanties offertes aux prévenus par la Constitution.

Tranquilité des Argentins

De fait, l’ancien chef de junte était encore en cours de jugement pour ses responsabilités supposées dans le plan Condor, cette internationale de la répression organisée par l’ensemble des dictatures sud-américaines dans les années 1970 et 1980.

C’est cette situation exceptionnelle, où l’on voit la justice agir avec le souci de ne condamner qu’en fonction de preuves dûment établies - et donc souvent avec lenteur - qui explique la tranquillité avec laquelle les Argentins ont accueilli la mort de Jorge Rafael Videla.

Pacte du silence

Alors, faut-il en déduire que les Argentins ont réagi avec détachement ? Non, tout de même pas. Car il y a quand même des regrets. Surtout du côté des familles des victimes et des organisations de défense des droits de l’homme. Depuis son premier procès en 1985, Jorge Rafael Videla n’a jamais parlé, sauf pour se justifier.

Tous les anciens militaires condamnés ou en cours de jugement restent liés par une sorte de pacte de silence. Ils ne parlent pas, ce qui rend chaque fois plus difficile le deuil de milliers de disparus dont on n’a toujours pas retrouvé les corps.

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