RFI : Le président américain est attendu ce jeudi 18 avril à Boston, pour participer à une cérémonie en hommage aux victimes de la double explosion lors du marathon de la ville. Comment avez-vous perçu cette attaque ?
Constance Borde : L’attaque de Boston était spécialement touchante pour moi. Je suis de Boston. Je connais très bien ce quartier, je n’habite pas très loin. Et le marathon de Boston-Massachusetts est une chose tellement traditionnelle, tellement formidable. Une chose que tout le monde aimait et adorait. J’avais des cousins qui courraient dans ce marathon. Mon fils attendait, pas loin de la ligne d’arrivée du marathon, pour voir arriver les coureurs. C’est quelque chose d’effroyable.
Plus que la seule ville de Boston, n’est-ce pas tous les Américains qui ont été touchés en plein cœur ?
Oui. Tout le monde est touché. C’est un événement heureux, qui n’est pas politique, qui n’est pas religieux, qui n’est pas économique. C’est vraiment une fête. Et de voir que cela a changé tellement, en si peu de temps. Comme les enfants à l’école, dans le Connecticut. C’est inimaginable. C’est cauchemardesque.
Juste après les événements, le président Barack Obama s’est montré extrêmement prudent. Il n’a pas parlé tout de suite d’attentat. Pourquoi autant de prudence ?
Je pense que parce que les mots « attaque terroriste », ou « attentat terroriste », ce que tout le monde attendait qu’il dise, sont trop associés avec des attaques qui viennent de l’étranger.
Je pense qu’il ne voulait pas souligner ce côté de l’événement. Donc, il a évité l’expression.
Mais évidemment, que cela vienne de chez nous ou que cela vienne de l’extérieur, c’est quand même un acte terroriste. Et comme vous l’avez vu avant-hier (mardi, ndlr), il a quand même utilisé l’expression « attaque terroriste ».
C’est un début de mandat assez difficile pour Barack Obama. Hier, le Sénat l’a désavoué sur les armes à feu. Là aussi, il a aussitôt fait part de sa colère, parlant d’un « jour de honte pour Washington ». C’est la première fois qu’un président se positionnait à ce point face au lobby des armes. Quelles conséquences peut avoir ce rejet des sénateurs ?
C’est grave. Je ne vais pas essayer de dire que ce n’est pas grave. C’est un échec absolu. Mais il a dit aussi c’est un échec pour Washington. Parce qu’il y a quand même 90 % de la population qui soutient cette règlementation, qui était plutôt a minima. Ce n’est pas du tout la législation qu’Obama voulait faire passer.
Et puis, encore plus décevant, il y a quand même cinq démocrates qui ont voté contre la législation. Alors que, pourtant, il y avait quelques républicains qui ont voté pour. Donc, on a honte de ne pas avoir pu faire passer la législation que tout le pays, ou presque, veut. Et puis de voir que l’on a, au sein de notre propre parti, des sénateurs qui ne sont pas restés fidèles.
Cinq sénateurs démocrates ont voté contre. Cela veut-il dire que Barack Obama est contesté, en interne ?
En interne, non. Ce n’est pas lui qui est contesté. Comme vous le savez, pour ce genre de législation, il ne faut pas une majorité - nous avons quand même cette majorité : il faut ce que l’on appelle une « supermajorité ». Il fallait soixante votes pour le faire passer.
Sur le positionnement des sénateurs, il faut voir en profondeur. Ils sont dans les « Etats rouges » (Etats traditionnellement acquis aux républicains, ndlr). Quelques démocrates ont gagné leur élection avec des votes républicains. Ils savent très bien que d’ici quelques années, deux ans pour certains, ils vont avoir de nouveau des élections. Prenons, par exemple, le sénateur d’Alaska. C’est un Etat très, très « rouge ». Franchement, je pense qu’il est très discutable qu’un sénateur puisse voter, non pas selon ses croyances, mais plutôt en fonction de son électorat...
Il y a Boston ; toujours pas de revendication aujourd’hui, il y a Waco ; on ne sait pas si c’est accidentel ou non. Ce rejet sur les armes... Est-ce que l’on peut parler de situation de crise pour Barack Obama ?
Non, je ne pense pas. Je pense, au contraire, que les démocrates qui le suivent et qui le soutiennent ont un courage extraordinaire. Parce que Barack Obama n’a pas besoin de passer cette législation (sur les armes, ndlr). Pour moi, c’est une démonstration de force de sa part, qui s’appuie sur les convictions de la majeure partie de la population américaine. Il a montré qu’il était prêt à mettre, non pas sa carrière, mais sa réputation en jeu.
C’est son deuxième mandat. Quoiqu’il arrive, ensuite, il ne pourra plus rien faire...
Non. Mais de toute façon, vous savez, il y a beaucoup d’Etats qui vont faire passer des législations (de contrôle des armes, ndlr). Et puis d’autres Etats, comme l’Oklahoma ou le Texas, vont, au contraire, lutter contre ce genre de législation. Mais il y a pas mal d’Etats qui sont en train, en ce moment, de passer les législations contre les armes à feu.