Si l'on se fie à l’une des premières conférences de presse du nouveau secrétaire d’Etat, à Washington, on peut légitimement avoir un doute. C’était le 9 février dernier. John Kerry recevait son homologue canadien, quand une journaliste canadienne pose une question en anglais puis en français. La question porte sur l’oléoduc Keystone qui doit relier le Canada au Texas et John Kerry refuse de répondre en français. « Je dois m’exercer un peu pour ça », murmure le secrétaire d’Etat américain. Pourtant, il parle parfaitement français !
Des vacances en Bretagne
Né dans une famille de diplomates, il a passé une partie de son enfance à Berlin, en Allemagne, puis au Canada. Mais ses vacances d’été, c’est en Bretagne qu’il les passait, dans la maison de sa famille maternelle, à Saint-Briac-sur-Mer, avec son cousin germain Brice Lalonde qui deviendra ministre de l’Ecologie en France. Et effectivement, John Kerry maîtrise parfaitement la langue de Molière.
Sauf qu’en 2004, lorsqu’il est candidat à l’élection présidentielle pour le Parti démocrate, ses racines françaises vont lui porter préjudice. Quelques mois seulement après le déclenchement de la guerre en Irak, pour laquelle l’administration Bush s’est heurtée au refus catégorique des Français de s’engager militairement aux côtés des Américains, les French fries ont été rebaptisées Liberty Fries et il ne fait pas bon être Français ou trop francophile au pays de l'oncle Sam. La très républicaine chaîne de télévision FoxNews va alors développer un argumentaire de choc contre le candidat démocrate. « John Kerry à l’air français », « Kerry serait le premier président américain à être Français », « Bonjour, comme dirait John Kerry »…
Sa francophilie, cause de sa défaite à la présidentielle?
Il s’agit bien sûr d’un montage réalisé par le cinéaste-militant de gauche Robert Greenwald pour son documentaire baptisé Outfoxed (« dé-Fox-isé » en français) sur la rhétorique des médias conservateurs autour de l’élection de 2004. Mais chacun de ces propos a bien été tenu sur FoxNews en l’espace de quelques jours seulement. Il n’y a pas vraiment de statistiques sur l’impact de cette campagne contre John Kerry mais sa francophilie a sans doute participé à sa défaite à l’élection présidentielle de 2004.
Evitant soigneusement, depuis lors, de s’exprimer dans la langue de Voltaire, le sénateur du Massachussetts a réservé à de très rares occasions sa parfaite maîtrise de notre langue. En 2010, après le tremblement de terre en Haïti, John Kerry participe à une soirée de levée de fonds pour venir en aide au peuple haïtien. Et là, il parle français.
Au-delà des questions linguistiques, le secrétaire d’Etat américain est profondément convaincu de l’importance des relations entre les deux rives de l’Atlantique. Tout au long de sa carrière politique - notamment dans ses fonctions de président de la Commission des affaires étrangères au Sénat - John Kerry s’est employé à rapprocher les points de vue de Washington et des capitales européennes.
Choisir de commencer sa première tournée internationale de secrétaire d’Etat en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France puis en Italie n’est pas anodin, bien sûr, même s’il s’agit aussi, pour John Kerry, de faire patienter les Européens qui n’ont pas eu droit à une visite de Barack Obama depuis mai 2011.
L’Elysée et le Quai d’Orsay au programme
Ce mercredi, John Kerry a pris un petit-déjeuner avec François Hollande à 8h30. Un rendez-vous assez court, avant que le président français ne s’envole pour la Russie où il doit arriver ce mercredi en fin de journée. John Kerry doit rencontrer ensuite Laurent Fabius en fin de matinée. Une heure et demie de tête à tête prévue entre les deux hommes qui donneront une conférence de presse commune dans la foulée de ce rendez-vous, avant que John Kerry ne s’envole pour Rome où il poursuivra sa tournée.