C’est la tuerie de Newtown qui a complètement bouleversé l’agenda du président. 26 personnes tuées, dont 20 enfants, une énorme émotion dans le pays. Barack Obama ne pouvait pas faire l’impasse sur ce dossier - comme il l’a fait au cours de son premier mandat. Mais en mettant tout son poids dans la balance, le président prend un risque politique. « C’est un débat qui est tellement enflammé dans ce pays, estime Didier Combeau, spécialiste de la question des armes aux Etats-Unis (1) qu'il y a un certains nombre d’élus au Congrès, dont des démocrates, qui vont se trouver dans une situation difficile. Je parle de ceux qui représentent des Etats où le droit de porter des armes est un droit important ! »
Confronté à une forte résistance au Congrès, quelles sont les marges de manœuvre du président ? Barack Obama espère que les opposants à son projet changeront encore d'avis. Quelques républicains ont déjà laissé entendre qu’ils pourraient voter pour le texte.
Mais le président compte aussi sur l’opinion publique. Il demande aux Américains de faire pression sur leurs élus, rappelant qu’un mois après la tuerie de Newtown, plus 900 personnes ont été assassinées par une arme à feu. « Demandez-leur ce qui est le plus important : avoir une bonne note du lobby des armes, qui finance leurs campagnes, à tout prix ? Ou rassurer les parents qui déposent leurs enfants à l'école primaire ? », a lancé le président mercredi 16 janvier 2013 lors de la présentation de ses propositions pour réduire la violence due aux armes à feu.
Une mobilisation sans précédent
Cette tactique, qui consiste à s’adresser directement à la population est très habile. Selon plusieurs sondages, une petite majorité se dit favorable à un contrôle plus strict des armes. Pour Marie-Claude Duyschaever, la grand-mère de Noah Pozner, l’un des garçons tués à Newtown, la tragédie a vraiment changé la donne. « Il y a un avant et un après Newtown, dit-elle, ca a changé quelques chose parce que le crime était tellement horrible. Le fait que la plupart des victimes étaient des enfants a fait basculer l’opinion publique. » Mais cette émotion suffira-t-elle à faire changer les mentalités ? En tout cas, Marie Claude Duyschaever souhaite y contribuer. Avec sa famille, elle a rédigé un catalogue de propositions concrètes pour augmenter la sécurité dans les écoles. Ces propositions ont été envoyées à la Maison Blanche, une contribution au débat sur les armes. « Notre approche doit être pragmatique, dit-elle, car il ne faut pas oublier qu’il y a encore 300 millions armes en circulation ».
300 millions armes à feu et un lobby très puissant qui a juré de livrer une bataille sans merci contre le projet d’Obama. Cette bataille, c’est la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby pro-armes, qui va la mener sur le plan national.
Mais de nombreuses associations locales se mobilisent également. C’est le cas de l’Arizona Citizen Defense Ligue, basée à Tucson, en Arizona. Son président Charles Heller est très en colère contre Barack Obama, qu’il accuse de « danser sur le sang des victimes ». Selon Heller, le président « utilise ce sang pour défendre une position politique qu’il n’aurait jamais pu faire avancer autrement ». Le co-fondateur de l’association pour la défense du doit des porter des armes promet une mobilisation sans précédente. « Nous allons monter une coalition de 35 associations, dans tout le pays. Nous n’avons aucun lien avec la NRA. Nous sommes des mouvements citoyens qui défendent le droit de porter une arme et qui demandent au Congrès de ne pas y toucher. »
Barack Obama pense déjà à sa place dans l’Histoire
Ces témoignages montrent que la confrontation autour des armes a gagné la place publique. On peut se demander d’ailleurs si le débat se décidera vraiment au Congrès. En tout cas, la société civile va peser sur la décision du Congrès. C’est pour cette raison que Barack Obama et son vice-président Joe Biden ont décidé d’aller sur le terrain. Ils vont mener des consultations populaires dans plusieurs villes pour s’informer de la législation locale et faire valoir leurs arguments.
C’est donc en mouillant sa chemise que le président commence son second mandat, ce qui n’est pas une surprise, conclut Martin Michelot du think tank German Marshall Fund, car selon lui Barack Obama pense déjà à la place qu’il occupera dans l’Histoire. « Si le président arrive vraiment à renforcer la législation sur les armes, cette réforme contribuera à construire son héritage ». Et le chercheur de continuer : « Je vous garantis, que dans 5 ou 10 ans, le peuple américain dira qu’un nouveau règlement sur le droit des armes a été vraiment nécessaire. Et les gens associeront le nom de Barack Obama à cette réforme, parce que c’est lui qui en aura été à l’initiative ».
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1 - A lire sur ce sujet le livre de Didier Combeau : Des Américains et des armes à feu : Démocratie et violence aux États-Unis, Editions Belin, 272 p.