Jill Stein, Gary Johnson, Virgil Goode, Rocky Anderson, ces noms ne vous disent probablement pas grand-chose mais ils sont, au même titre que Barack Obama et Mitt Romney, candidats à la l’élection présidentielle américaine du 6 novembre prochain. Au total, pas moins de quatorze candidats seront présents sur les listes électorales le premier mardi de novembre. Une bonne partie d’entre eux ne sont toutefois pas inscrits dans les cinquante Etats, ce qui ne leur donne absolument aucune chance d’être élu, ni même de peser sur le résultat final.
Obama et Romney ont décliné
Modestement financés et très peu suivis médiatiquement, quatre de ces petits candidats auront quand même l’occasion d’exposer leur programme aux Américains lors d’un seul et unique débat qui se tiendra le 23 octobre à Chicago, débat auquel Barack Obama et Mitt Romney étaient également conviés mais qu’ils n’ont pas souhaité honorer de leur présence. Sauf changement de dernière minute, ce débat ne sera d’ailleurs même pas télévisé, en tout cas pas sur les grands networks. Mais il sera au minimum diffusé en streaming sur internet et peut-être sur une chaîne du câble.
Cela n’empêchera pas Jill Stein – qui représente le Green Party – de faire entendre sa voix en tant que porte-parole des écologistes et aussi du mouvement « Occupy » qui résonna l’an dernier en écho à celui des « indignés » en Europe. Cette pédiatre âgée de 62 ans défend autant l’écologie que le système de protection sociale universelle et prône, entre autres, l’annulation des dettes contractées par les étudiants pour suivre leur cycle universitaire et la mise en place d’un moratoire sur les saisies des maisons, le résultat le plus spectaculaire et injuste de la crise des subprimes de 2007.
Plus originale, la candidature de Gary Johnson qui est le seul des « petits candidats » à avoir occupé le poste de gouverneur - de 1995 à 2003 au Nouveau Mexique sous l’étiquette républicaine. Faute de pouvoir briguer l’investiture du GOP (1), cet homme d’affaires avisé et alpiniste émérite de 59 ans s’est rallié, depuis, au Parti libertarien. Troisième formation politique du pays, ce parti milite à la fois pour l ‘ultralibéralisme sur le plan économique et se montre farouchement attaché à la liberté individuelle sur des questions ultra-sensibles aux Etats-Unis comme l’avortement, le cannabis ou le mariage gay qui ont tous son assentiment
Plus à droite et plus à gauche
Autre participant au débat du 23 octobre, Virgil Goode, un ancien démocrate qui siégea à la Chambre des représentants sous l’étiquette républicaine de 1997 à 2009. Ancré en Virginie et désormais lié au Parti constitutionnaliste, il est l’archétype du conservateur sudiste, opposé à l’avortement ainsi qu’au contrôle sur les armes à feu et soutenu par l’industrie du tabac. Marqué à l’extrême de la droite, Virgil Goode s’était notamment distingué en 2006 pour s’être opposé à l’intronisation au Congrès de Keith Ellison, premier musulman élu à la Chambre des représentants qui avait préféré jurer sur le Coran plutôt que sur la Bible lors de sa prestation de serment.
Quant à Rocky Anderson, il a fait carrière dans l’Utah, à Salt Lake City, ville dont il fut le maire de 2000 à 2008 et qui est également le berceau mondial du mormonisme. Cela ne fait pas pour autant de lui un proche de Mitt Romney. Il se situe même aux antipodes du candidat républicain, maitre d’œuvre des JO d’hiver de 2004 à Salt Lake. Membre du Parti démocrate jusqu’en 2011, Rocky Anderson est désormais affilié au tout nouveau Parti de la justice qu’il a fondé en novembre 2011, une formation très ancrée à gauche. Parfois provocateur, il s’était fait remarquer en comparant la vie en l’Utah à « un roman de Kafka où l'on aurait introduit les talibans », une remarque qui n’avait pas contribué à sa popularité dans l’un des Etats les plus conservateurs de l’Union.
Parmi les autres candidatures on relève celle de la comédienne Roseann Barr sous l’étiquette du Parti de la paix et de la liberté, de l’ultraconservateur Tom Hoefling d'America's Party ainsi que celle de Stewart Alexander, candidat du Parti socialiste. Pour lui, le challenge sera peut-être de faire mieux que Brian Moore, le candidat du PS américain en 2008 qui avait recueilli en tout et pour tout 6 528 voix lors de la dernière présidentielle, preuve que « socialisme » reste un gros mot aux USA.
Le syndrome du « troisième homme »
Même si le pouvoir suprême s’est toujours disputé entre républicains et démocrates, il est arrivé qu’un troisième homme s’immisce dans la course à la Maison Blanche et ait une influence sur le résultat final. On se souvient par exemple qu’en 1992 le milliardaire texan Ross Perot avait bousculé la tradition en surgissant dans le duel entre George H.W. Bush et Bill Clinton, au point de participer aux trois débats préélectoraux.
Perot contribua en partie à la défaite de Bush-père en glanant 18,9% des voix, sans toutefois remporter un seul Etat. Et puis en 2000, c’est la candidature de Ralph Nader sous la bannière du Green party (les Verts) qui fut fatale à Al Gore contre George W. Bush, Nader s’adjugeant 97 488 voix en Floride, Etat remporté par Bush après bien des controverses, avec seulement 537 voix d’avance sur Gore. Si jamais le score entre Obama et Romney s’avérait très serré dans un Etat clef pour l’élection (2), rien ne dit qu’un tel scénario ne pourrait pas se reproduire dans un système électoral qui ne permet pas les désistements.
(1) GOP. : Grand Old Party, autrement dit le Parti républicain
(2) à titre d’exemple la Floride vaut 29 votes de grands électeurs et l’Ohio 18, sachant qu’il faut 270 votes pour l’emporter