Barack Obama a mûri. Ses cheveux grisonnants en témoignent, son discours aussi. Ce n’est plus le jeune candidat enflammé qui est aujourd’hui en course pour l’investiture suprême, mais un président avec quatre longues années d’épreuves derrière lui. « Amérique, je n’ai jamais dit que le chemin serait facile et je ne le promettrai pas plus aujourd’hui », a-t-il prévenu à la tribune de la convention démocrate le 6 septembre dernier.
Des propos pesants, qui tranchent avec l’idéalisme de sa campagne de 2008. Cette année-là, le message de Barack Obama tient en trois mots : « Yes we can! » Le slogan devient un symbole. Il n’est pas simplement l’expression de la possibilité d’une victoire démocrate après huit ans de règne républicain, il est une promesse d’espoir et de changement.
L’avocat devenu sénateur de l’Illinois en novembre 2004 parvient à susciter un formidable engouement, non seulement aux Etats-Unis, mais également dans le monde entier. On parle alors d’ « obamania ». Face au vétéran du Vietnam John McCain, Barack Obama incarne une Amérique confiante en elle-même. Il est jeune, décontracté, charismatique, à l'écoute des classes populaires. Dans un pays tiraillé par sept ans de guerres en Irak et en Afghanistan, il apparaît comme l’homme providentiel.
Le charme n’opère plus
Le 4 novembre 2008, Barack Obama est élu 44e président des Etats-Unis, grâce, notamment, à la forte mobilisation des jeunes, des femmes, des Hispaniques et des Noirs. Il l’emporte avec plus de 9 millions de voix d’avance sur son adversaire. Dans un discours prononcé devant une foule immense à Chicago, son fief, il lance : « Y a-t-il quelqu’un qui doute encore qu’aux Etats-Unis tout est possible ? » La question semble répondre à un double défi. Un défi qu’il vient de remporter en devenant le premier Noir président des Etats-Unis, et un autre qu’il s’apprête à affronter. Car de lourdes tâches l’attendent.
Quatre ans plus tard, le charme n’opère plus. Son prix Nobel de la paix en 2009 paraît loin. Comme en 2008, Barack Obama continue à miser sur son charisme et sa proximité avec la population pour séduire l’électorat, comme en témoigne ce « bear hug » (littéralement « étreinte d’ours ») donné par un pizzaïolo en Floride dimanche 9 septembre. Comme en 2008 aussi, Barack Obama affiche une très grande complicité avec son épouse Michelle et ses deux filles. Mais si ses formules bien senties déclenchent toujours des hourras dans les rangs démocrates et des rires chez les journalistes (tels qu'ici, ou là), ce qui a fait recette en 2008 semble ne plus fonctionner aujourd’hui.
La faute à un bilan terne. Certes, le président restera comme celui qui a « tué Oussama ben Laden ». Pour une Amérique traumatisée par les attentats du 11-Septembre, ce n’est pas rien. Il est aussi celui qui est parvenu à sauver l’industrie automobile et des milliers d’emplois en injectant 60 milliards de dollars dans le secteur. Il a su également imposer sa réforme de la santé au terme d’un bras de fer homérique avec le Congrès.
Mais la rupture promise avec l’administration Bush n’a pas totalement eu lieu. La prison de Guantanamo, symbole des dérives du combat mené par les Etats-Unis contre le terrorisme et qu’il s’était engagé à fermer pendant sa campagne, est toujours ouverte. En terme de politique environnementale, les mesures qu’il avait promises pour limiter les émissions de gaz à effets de serres n’ont pas été mises en œuvre.
De la patience
Surtout, les Etats-Unis restent plongés dans un marasme économique. Le taux de chômage culmine à 8,1%, la dette publique atteint 100% du Produit intérieur brut (PIB), la croissance est en berne… Depuis Franklin D. Roosevelt dans les années 30, aucun président n’a été réélu avec un taux de chômage aussi élevé, rappelle le site Atlantico.
Aussi Barack Obama demande-t-il aux Américains de faire preuve de patience pour que le changement promis quatre ans plus tôt ait bien lieu. « Nos problèmes peuvent être résolus. Le chemin que nous proposons est peut-être plus difficile, mais il nous mène vers un monde meilleur », a promis le président lors de la convention démocrate. « Si vous vous détournez maintenant, si vous vous laissez convaincre par le cynisme selon lequel le changement pour lequel nous avons combattu n'est pas possible, le changement n'aura pas lieu », a-t-il poursuivi.
Bien que sa cote de sympathie soit de 20 points supérieure à celle de Mitt Romney, Barack Obama ne possède qu’une très légère avance sur son adversaire républicain dans les derniers sondages. À moins de deux mois de l’élection, il doit raviver la flamme qui avait poussé les Américains à l’élire pour se détacher vraiment. « Can he ?* »
* « Le peut-il ? »