Joe Biden, l'arme à double tranchant d'Obama

A 69 ans, en dépit de ceux qui lui conseillaient de le remplacer, c'est lui que Barack Obama s'est choisi comme colistier. Politicien chevronné, l'actuel vice-président Joe Biden est réputé pour sa gouaille parfois incontrôlable. Un étrange attelage, sourient certains. Mais qui pourrait être le ticket gagnant du camp démocrate à la présidentielle de novembre prochain.

C’est assez rare pour le remarquer. Jeudi soir, lors de la convention démocrate à Charlotte, Joe Biden n’a pas fait de gaffe. Le 47ème vice-président et colistier de Barack Obama ne s’est pas écarté du discours dicté par le prompteur.

Car Joe Biden, c’est un peu l’arme à double tranchant de Barack Obama. Fin limier de la politique internationale avec un sens aiguisé de la formule d’un côté. Une crédibilité émoussée à force de sorties malheureuses de l'autre.

Le vice-président est une « machine à gaffes », comme on le surnomme. Dernière en date et pas la moins belle, mi-août. Lors d’une réunion électorale devant un parterre composé majoritairement d’Afro-Américains, Joe Biden déclare que les propositions économiques du candidat républicain reviennent à « remettre les chaînes au pieds » des Américains. La réunion se tient en Virginie, ancien Etat esclavagiste. Tollé général, le camp républicain parle d’une campagne haineuse. Barack Obama se dit « perturbé » par les propos de son partenaire. Mais la foule présente, elle, applaudit ce discours un brin populiste.

« Bon » et « idiot »

Dans une enquête récente du Pew Research Center, les Américains devaient associer des mots au vice-président : 43% le qualifient de « bon », 40% le jugent « idiot », 13% le traitent de « clown »…

Mais voilà, qu’on le veuille ou non, bien souvent, rien ne vaut une belle bourde - déguisée ? - pour faire parler de soi. Et au moment où les médias n’ont que Paul Ryan, le nom du colistier de Mitt Romney, à la bouche, Joe Biden revient sur le devant de la scène. A sa manière certes, mais bel et bien.

« Joe Biden est le meilleur vice-président dont j’aurais pu rêver », a déclaré Barack Obama devant ses partisans à Charlotte. Le candidat a voulu faire taire ceux qui présentent le numéro 2 comme un boulet et murmurent qu'il ferait mieux de le remplacer par quelqu’un d’autre, Hillary Clinton par exemple.

Si différents, si complémentaires

« Barack et moi, nous avons beaucoup enduré ensemble. Nous avons beaucoup appris l'un de l'autre. J'ai découvert quelqu'un avec un cœur énorme. Il a découvert chez moi un homme d'une loyauté infaillible », a expliqué quant à lui le vice-président lors de la convention démocrate.

Beaucoup en sont encore persuadés : Obama-Biden, c’est le ticket gagnant pour le camp démocrate. Car si les apparitions publiques de Biden tranchent avec celles du très discipliné président, les deux hommes s’avèrent complémentaires. Le vétéran de la politique s’est habitué à n’être que le second d’un président de presque 20 ans son cadet. Et Obama apprécie sa loyauté.

Quand en 2008, les démocrates le désignent comme vice-président pour succéder à Dick Cheney, le calcul est clair : le sénateur du Delaware, élu sans discontinuer depuis 36 ans, est là pour contrebalancer la jeunesse et l’inexpérience supposée d’Obama.

Et pour ce qui est des réparties douteuses, Obama ne pouvait pas dire qu’il n’était pas prévenu. Lorsqu'il le choisit en 2008, Joe Biden a déjà ironisé sur le fait qu'il est « le premier Afro-Américain consensuel qui s’exprime bien, qui soit brillant, propre sur lui et beau garçon ».

En quatre ans, cet expert de la politique internationale, qui a longtemps présidé la commission des Affaires étrangères du Sénat, a su se montrer décisif sur des dossiers importants. Il a géré le retrait des troupes en Irak, s’est chargé de la mise en œuvre du plan de relance de l’économie. En 2009, c’est l'un des rares à avoir senti que le fait de renforcer la présence américaine en Afghanistan ne servirait à rien tant que les talibans disposeraient du soutien du Pakistan et que le gouvernement Karzaï serait gangréné par la corruption.

Par ailleurs, ce fils d’un vendeur de voitures d’occasion de Scranton, ville ouvrière de Pennsylvanie, originaire d’une famille catholique d’origine irlandaise, est la caution populaire d’Obama. Il doit permettre de rallier l’électorat blanc catholique et ouvrier.

« Les bombes de Joe »

Alors oui, Joe Biden n’a pas sa langue dans sa poche. Comme lorsque, en pleine signature de la réforme de santé, il ne peut s’empêcher de glisser à l’oreille de Barack Obama : « Un putain d’accord ! »

Joe Biden dit ce qu’il pense et parfois même un peu plus. On se souvient de ce meeting de 2008 où, emporté par son enthousiasme, il avait demandé à un sénateur en fauteuil roulant de se lever pour que la foule l’applaudisse…

« Les bombes de Joe » peuvent bien sûr être dommageables. Comme quand en mai dernier, ce dernier se dit « très à l’aise » avec le mariage homosexuel, prenant Obama de cours et le poussant à aller dans ce sens.

Mais cette authenticité a le don de rendre le personnage particulièrement attachant. A 69 ans, Joseph Robinette Biden n’a pas été épargné par les épreuves. Au début de sa carrière, en 1972, il perd sa femme et sa fille de 18 mois dans un accident de voiture. Lors de la convention démocrate, jeudi soir, on l’a vu ému aux larmes quand son fils Beau est monté à la tribune pour lui rendre hommage. En 1988, l’histoire retient qu’une rupture d’anévrisme l’oblige à se retirer de la course à l’investiture démocrate. Même si à l’époque, au centre d’un scandale pour plagiat, il avait déjà perdu toutes ses chances de victoire.

Candidat en 2016 ?

Mais dans cette campagne, le chien fou, plus labrador que doberman a souligné un journaliste, joue parfaitement son rôle de « chien d’attaque » des républicains. Et il a été l’artisan de certaines formules qui ont fait mouche. Comme son « Oussama ben Laden est mort et General Motors est vivant », prononcé à Détroit, siège de l’industrie automobile américaine, afin de résumer les quatre ans de mandat de Barack Obama.

Personne ne le prend au sérieux, mais il affirme vouloir être candidat en 2016. En attendant, comme Barack Obama, Joe Biden aura aussi droit à son débat en tête à tête avec le numéro 2 républicain Paul Ryan, le 11 octobre prochain. Ce qui promet déjà un beau combat de sourires. Mais surtout une joute verbale tout aussi attendue que celle qui opposera les deux prétendants à la Maison Blanche.

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