Etats-Unis : la lutte antiterroriste à l'heure de la campagne présidentielle

En ce mardi 11 septembre 2012, les Etats-Unis commémorent le onzième anniversaire des attentats contre New York et Washington qui ont fait 2 973 victimes. Alors que le pays se trouve en pleine campagne électorale et que le premier mandat de Barack Obama s’achève, où en est la lutte antiterroriste des Etats-Unis ?

Le jeudi 6 septembre 2012, Barack Obama était sur la scène de la convention démocrate à Charlotte en Caroline du Nord. « J'avais promis de nous recentrer sur les terroristes qui nous ont attaqués le 11 septembre 2001, et nous l'avons fait. Nous avons freiné l'élan des talibans en Afghanistan, et en 2014, notre plus longue guerre sera terminée », a déclaré le président sortant, lors de son discours d’investiture pour un deuxième mandat. « Une nouvelle tour s'élève dans le ciel new-yorkais. Al-Qaïda est sur le point d'être vaincue et Oussama ben Laden est mort ! »

A son arrivée à la Maison Blanche en janvier 2009, Barack Obama avait promis une rupture avec les pratiques de la « guerre contre le terrorisme », mises en place par son prédécesseur George W. Bush, tout en garantissant la sécurité des Américains.

Le bourbier afghan : « l’heure de vérité »

Quand en 2008 la dernière campagne présidentielle américaine bat son plein, la situation en Afghanistan est critique : les talibans, qui se sont réorganisés, menacent l'ensemble des efforts de stabilisation dans le pays. Elu président, Barack Obama décide, après de longs mois de consultations multiples, de renforcer les troupes américaines en Afghanistan, de 34 000 à presque 100 000 soldats, avant de fixer un calendrier de retrait progressif d'ici 2014. Le résultat de cette stratégie est aujourd’hui mitigé.

« Du côté positif, il est incontestable que l'avance des talibans qu'on voyait en 2008 et 2009 a été stoppée. C'est-à-dire qu'on n'est plus sur le point de voir dans un an les talibans à Kaboul, estime Justin Vaïsse1, directeur de recherche à la Brookings Institution à Washington. En revanche, il est évident que la situation n'est pas réglée. L’administration Obama a abaissé les critères et les standards d'exigence pour pouvoir quitter l'Afghanistan. Reste à savoir quelle sera la situation dans ce pays après la transition des troupes occidentales vers des fonctions d'entraînement uniquement, et surtout le retrait jusqu'à environ 10 000-15 000 soldats américains fin 2014. C'est là que viendra l'heure de vérité. »

La lutte contre al-Qaïda

Après des années de bataille infructueuse de l’administration Bush, Barack Obama a également défini une nouvelle stratégie pour en finir avec al-Qaïda. « Barack Obama a enfin désigné un objectif accessible : plutôt que de faire une guerre globale contre la terreur, tout à fait chimérique - que signifie remporter une victoire contre LA terreur ? - il a voulu mener une campagne tout à fait impitoyable contre al-Qaïda, explique Jean-Pierre Filiu2, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris. Cette campagne a amené à l'élimination d'Oussama ben Laden, mais aussi d'un nombre très important de cadres de l'organisation. Elle est menée essentiellement par le biais de frappes de drones, aussi bien au Pakistan dans les zones tribales, qu'au Yémen. »

Mais justement, les frappes de drones sont pour le moins contestées. Ces assassinats ciblés posent en effet de nombreuses questions légales et morales, notamment parce que ces attaques font souvent des victimes civiles et que les frappes sont conduites en violation de la souveraineté de pays tiers, comme le Pakistan ou le Yémen. Même si, sur le terrain, la stratégie choisie par Barack Obama porte indéniablement ses fruits.

« Si on considère al-Qaïda comme ce que ben Laden souhaitait fonder en 1988, c'est-à-dire la première organisation terroriste à vocation planétaire, on peut considérer qu'elle est morte avec lui, estime Jean-Pierre Filiu. En effet, le successeur de ben Laden n'a pas été capable de recueillir l'allégeance des principales branche d'al-Qaïda, qui en ont gardé le nom - al-Qaïda au Maghreb islamique, al-Qaïda en Irak - mais qui fonctionnent désormais d'une manière autonome. Donc on n'a plus d'organisation intégrée au niveau mondial. Aujourd'hui, la seule branche qui essaie encore, et qui d'ailleurs rate à chaque fois, d'exporter la terreur au-delà des frontières est la branche yéménite. En revanche, al-Qaïda au Maghreb islamique et al-Qaïda en Irak ont des activités terroristes très importantes, y compris des prises d'otages occidentaux dans le Sahel, mais ils n'exportent pas leur terreur au-delà des frontières. Ce qui, du point de vue occidental, change complètement la donne. »

La politique étrangère, un avantage pour le président sortant

Aujourd’hui en pleine campagne électorale aux Etats-Unis, Barack Obama peut se prévaloir d'avoir décapité al-Qaïda. Bien qu’en cette année 2012, l’élection présidentielle américaine ne se décide pas sur le thème de la politique étrangère, elle représente un avantage certain pour le président sortant.

« Si Obama n'avait pas eu ses différents succès, en particulier le plus symbolique d'entre eux, qui est l'assassinat de ben Laden, il aurait été vulnérable et les républicains se seraient fait un plaisir de l'attaquer sur ce plan, en disant qu'il a mis en péril la sécurité américaine, analyse Justin Vaïsse. Comme son bilan est plutôt bon sur le chapitre de la politique étrangère, le sujet est en quelque sorte neutralisé, et Barack Obama ne se privera pas de s’en servir au cours des dernières semaines de campagne. »

Mais le sujet qui domine ces élections reste bien évidemment la situation économique aux Etats-Unis. Et c’est sur ce thème que Barack Obama va devoir convaincre jusqu'au bout.

1 La politique étrangère de Barack Obama, Odile Jacob, 2012
2 La véritable histoire d’Al Qaïda, Hachette, 2011

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