Le patron de JP Morgan, Jamie Dimon, est sommé d’expliquer aux actionnaires les raisons de cette opération spéculative qui a fait perdre à la banque, sur les six dernières semaines, près de deux milliards de dollars. Au cœur de cette perte, une prise de risques incontrôlée imputée essentiellement à un trader français, Bruno Michel Iksil.
Surnommé « la baleine de Londres », ce dernier aurait parié sur des produits financiers très courus, en ces temps de crise des dettes souveraines, les fameux CDS (« credit default swaps »). Le trader français avait, en effet, décidé d’amasser ces contrats destinés à se protéger d’un éventuel défaut de paiement d’une institution, pour créer la pénurie sur les marchés. Mais pour bon nombre de spécialistes, ce n’est pas un hasard si la crise a éclaté à Londres, car la magnitude des transactions autorisées y est bien plus importante qu'aux Etats-Unis.
Départs en cascade
Trois cadres dirigeants impliqués dans cette stratégie de couverture hasardeuse ont déjà été remerciés. JP Morgan s’est ainsi séparé de sa directrice des investissements à New York. Ina Drew a annoncé son départ de la banque d’affaires après une carrière longue de trente ans et deux de ses principaux adjoints, Achilles Macris, responsable de la salle des marchés de Londres à l’origine des pertes, et un autre membre de son équipe, Javier Martin-Artajo, doivent également quitter la banque.
Ces premiers départs pourraient rapidement en entraîner d’autres. Une enquête est en cours pour identifier toute la chaîne de responsabilités. Et la pression s’accroît sur Jamie Dimon. Outre l’élection de nouveaux administrateurs, l’ordre du jour de l’Assemblée générale comprend plusieurs propositions, parmi lesquelles figure la séparation des fonctions de président et de directeur général, toutes deux actuellement occupées par Jamie Dimon.
Réformer Wall Street
Cette affaire ne menace pas la viabilité financière de la banque mais a entaché sérieusement la réputation de son directeur général Jamie Dimon, jusque-là l’un des patrons les plus respectés de Wall Street. Dans un premier temps, Jamie Dimon avait, en effet, qualifié l’affaire « de tempête dans une tasse de thé », mais dimanche, il a fait volte-face et admis que la banque était confrontée à de lourdes pertes qui pourraient dépasser, à terme, les deux milliards de dollars, dans la mesure où il faudra des mois pour déjouer les positions prises.
Une affaire qui remet à l’ordre du jour, une nouvelle fois, le débat sur la régulation financière. Lundi, la Maison Blanche n’a pas manqué de réagir à ce nouveau coup de tonnerre. « Nous ne connaissons pas tous les détails. Il va y avoir une enquête, c’est pour cela que nous avons adopté une réforme de Wall Street », a déclaré Barack Obama sur la chaîne de télévision ABC. Une réforme votée en 2010 pour empêcher les banques de prendre trop de risques, mais systématiquement bloquée depuis par le camp républicain.