« Le signal qui va être donné est simple : celui qui a déboisé illégalement durant les 20 dernières années ne sera pas puni. Et celui qui a respecté la législation aura été le dindon de la farce ». Tasso Azevedo, ancien ministre en charge des forêts, n’en revient toujours pas. La semaine prochaine le nouveau code forestier passera en dernière lecture devant les députés brésiliens. Une catastrophe pour Tasso Azevedo, fin connaisseur du dossier, pour qui il ne reste plus que le véto présidentiel pour sauver la forêt amazonienne.
Obligations trop strictes
Depuis des mois, députés et sénateurs, lobbys agricoles et associations de défense de l’environnement se livrent une bataille sans merci. Pour Rodrigo Lima, directeur de l’institut Icône, financé par l’industrie agricole, le Brésil est aujourd’hui dans une impasse. Le code forestier actuel, vieux de plus de 40 ans, « impose des obligations trop strictes pour la protection de la forêt vierge », affirme ce porte-parole des ruralistes – les grands agriculteurs et éleveurs brésiliens .
Si le code forestier actuel était respecté, plus de 90 millions d’hectares de forêt devraient être replantés. Inenvisageable pour les agriculteurs brésiliens, qui devraient empiéter sur leurs vignes, pâturages et autres champs de soja – dont le Brésil est le deuxième exportateur au monde. Pour autant, se défend Rodrigo Lima, « le nouveau code ne signifie pas davantage de possibilité pour le déboisement ». Une affirmation qui hérisse les écologistes.
Protection des cours d’eau
Le texte qui sera voté la semaine prochaine à Brasilia prévoit en effet de restreindre considérablement les réserves légales de forêt dans les propriétés privées et les APP - zones de protection permanente - établies le long des cours d’eau. Ce sont des lieux stratégiques en Amazonie. Selon le code forestier actuel, les propriétaires doivent laisser intacte 30 mètres de forêt vierge de chaque côté des berges des petits cour d’eau qui traversent leur terrain. Le nouveau texte divise par deux cette distance : 15 mètres de chaque côté. Quant aux fleuves, de 500 mètres l’aire de préservation passerait à 100 mètres.
Véto présidentiel
Autant de mesure qui viennent mettre en danger le bon bilan environnemental que présente aujourd’hui le Brésil : le taux de déforestation a diminué de 80% ces 6 dernières années, grâce à de meilleurs contrôles policiers, appuyés par des images satellite. Sauf que l’agriculture représente 22% du PIB brésilien, et les très puissants ruralistes clament donc que le code forestier en vigueur empêche le pays de se développer et de profiter de son énorme potentiel agricole.
Alors les défenseurs de la forêt amazonienne placent leurs espoirs en Dilma Rousseff, qui avait promis, lors de la campagne présidentielle, d’opposer son véto à une amnistie pour ceux qui ont déboisé illégalement. Pour la présidente Dilma Rousseff, la réforme du code forestier pourrait se transformer en un véritable test politique, alors que le Brésil s’apprête à accueillir en juin prochain le très attendu sommet de l’ONU sur le développement durable, la conférence Rio+20.