Avec notre correspondant à Caracas, François-Xavier Freland
Mahmoud Ahmadinejad et Hugo Chavez ont voulu afficher, lundi 9 janvier 2012, leur complicité au nez et à la barbe des Etats-Unis, dans un contexte de pression occidentale autour du programme nucléaire iranien. C'est en recevant son ami iranien sur le perron de son palais qu'Hugo Chavez s'est laissé aller à une petite boutade.
Sans déformer, autant que possible, les propos du président vénézuélien mais en les résumant, il aurait dit : « Les porte-parole de l'impérialisme disent [...] qu'Ahmadinejad et moi allons ajuster notre tir en direction de Washington, et que vont sortir de là de grands canons et des missiles car nous allons attaquer Washington ». C’est donc une boutade typiquement chaviste.
Malheureusement, cette citation reprise en voix off dans le sujet vidéo de l'agence France presse est un peu plus ambiguë et va-t-en guerre. C'est le problème parfois de vouloir trop résumer. Et les journalistes sont les premiers confrontés à cette difficulté. Le message du président Chavez est ainsi devenu : « Ahmadinejad et moi, depuis le perron du palais présidentiel, viserons Washington avec des canons et des missiles. Parce que nous allons attaquer Washington. » Exit donc la première phrase : « les porte- parole de l'impérialisme disent que… ». Ce n’est donc pas vraiment pareil, ce n’est pas dramatique non plus.
Il n'empêche. Aussitôt, l'erreur a été signalée par un internaute sans doute français, Vincent Lapierre, apparemment chaviste, sur son compte Dailymotion. On peut y confronter la version AFP à celle tournée par les télévisions vénézuéliennes. Et depuis, des centaines de blogs voire des milliers de tweets ont rapporté l'erreur, donnant raison ainsi au discours de victimisation de Chavez, qui estime que les médias étrangers manipulent, mentent sur lui.
« À la botte de l'impérialisme »
Malheureusement, ce genre de maladresse coûte cher dans un pays déchiré par la polarisation du débat politique. On parle même d'une « guerre médiatique ». Le président Chavez fait lui-même souvent référence à cette expression. C'est même pour ces raisons qu'il a crée en 2006 la chaîne de télévision internationale Telesur, qui a pour but d'apporter une autre information que celle distillée par les médias occidentaux « à la botte de l'impérialisme » comme il dit, CNN en tête.
Il est vrai qu'au niveau local, l'objectivité n'est pas une des qualités ni une des règles des chaînes de télévision vénézuéliennes, voire de la presse en général, chaviste ou pas. Et pour les autres, les médias étrangers, même si les attaques ne sont pas officielles, il faut rappeler quand même que le ministère de la Communication avait publié il y a peu une liste de médias ennemis : CNN, le quotidien espagnol El Pais, entre autres, et en citant des noms. Ainsi, une journaliste d’El Pais travaillant à Caracas n'a jamais l'autorisation de pénétrer au palais présidentiel.
En tous les cas, la pression sur les journalistes étrangers se fait surtout à travers le regard d'internautes très scrupuleux, pas forcément de bonne foi d'ailleurs, qui avancent souvent masqués, en utilisant des pseudonymes. Et étrangement, ce sont des Français ou des Belges. Certains ne vivent pas au Venezuela. Ils passent au crible tous les articles des correspondants de la presse étrangère lorsqu'ils sont, selon eux, hostiles, critiques, à l’égard de Chavez. C'est un véritable harcèlement dont beaucoup de journalistes occidentaux installés au Venezuela ont fait les frais. Et ça ne va pas aller en s'améliorant à mesure qu'on va rentrer dans la campagne de l’élection présidentielle prévue en octobre prochain. Mais il est vrai aussi, que certains confrères ont parfois tendance à caricaturer le président Chavez.