Le général Athar Abbas, porte-parole de l'armée pakistanaise, a déclaré lundi 28 novembre que le raid de l'Otan pourrait avoir des conséquences sur la coopération entre Islamabad et les forces internationales. Or, le Pakistan est un allié essentiel de l'Alliance atlantique dans la lutte contre les talibans en Afghanistan.
Le général Abbas a fermement démenti que les militaires pakistanais aient tiré en premier et provoqué ainsi le bombardement aérien. Le Wall Street Journal, citant des responsables afghans et occidentaux, affirme dans son édition de lundi que des tirs provenant d'un poste militaire pakistanais ont été à l'origine des frappes de l'Otan. Selon ces responsables, les forces afghanes et de l'Isaf étaient sous le feu des soldats d'une base militaire pakistanaise. Les soldats de l'armée afghane auraient demandé un appui aérien. Un responsable afghan anonyme, cité par le journal américain, affirme que les hélicoptères et les avions de chasse de l'Otan sont intervenus pour protéger les troupes qui se croyaient être prises sous le feu des talibans.
Le bombardement a eu lieu dans l'une des zones tribales pakistanaises frontalières de l'Afghanistan - repaires des insurgés islamistes, talibans pakistanais et leurs alliés d'al-Qaïda et base arrière des talibans afghans, qui ont multiplié ces dernières années leurs opérations de l'autre côté de la frontière.
Les affirmations du Wall Street Journal n'ont été confirmées ni par les autorités afghanes, ni par l'Otan, ni par les Etats-Unis, qui dirigent la force de l'Alliance atlantique en Afghanistan, Isaf.
L'armée pakistanaise, qui a enterré dimanche ses soldats en saluant des « martyrs », considère le bombardement de l'Otan comme une « agression » non provoquée. L'Alliance atlantique préfère parler d'« un tragique incident involontaire ».
Bavures à répétition
La frappe aérienne de l’Otan contre le poste de contrôle pakistanais situé près de la frontière afghane est l’une des plus graves bavures de l’Alliance durant les dix années de campagne afghane. Immédiatement après l’incident, Islamabad a pris des mesures de rétorsion. Le couloir sud qui permettait l’approvisionnement des forces de l’Otan en Afghanistan est complètement fermé. Le blocage du transport crée d’importantes difficultés pour les forces de l’Alliance, car le transit pakistanais est l’itinéraire le plus court, le plus pratique et le meilleur marché pour approvisionner les forces de la coalition.
De plus, les Pakistanais ont demandé aux Américains de quitter dans les 15 jours la base aérienne de Shamsi, dans la province du Baloutchistan où la CIA utilisait des drones pour lancer des attaques contre les talibans et al-Qaïda.
Washington et Islamabad, partenaires condamnés à s’entendre
Les relations entre les deux alliés se sont considérablement détériorées depuis la crise bilatérale provoquée par le raid clandestin de commandos américains qui avaient tué Oussama Ben Laden, le 2 mai dernier, à Abbottabad, dans le nord du Pakistan. A l’époque, les militaires pakistanais exigeaient déjà de revoir les relations avec les Etats-Unis qui avaient « enfreint la souveraineté pakistanaise ».
Personne ne semble savoir avec exactitude ce que s'est réellement passé samedi. Mais alors qu'une enquête de l'Isaf est en cours, la force de l'Otan en Afghanistan, comme les Etats-Unis, qui la dirigent, se sont efforcés d'arrondir les angles. Les analystes considèrent que tous les partenaires doivent prendre des mesures rapides, pour atténuer les tensions et éviter l'aggravation de la situation.
Les Pakistanais ont besoin des milliards de dollars d'aide américaine, que Washington leur verse depuis dix ans. Les Américains ont tout intérêt à préserver leur alliance avec Islamabad, tant qu'ils sont présents en Afghanistan. Par ailleurs, ils ne veulent pas prendre le risque de voir l'arsenal nucléaire pakistanais tomber aux mains des extrémistes.
La Chine « profondément choquée »
La Chine, allié traditionnel du Pakistan et son principal fournisseur d'armes, s'est dite "profondément choquée" et a demandé une enquête sur cette bavure. Le ministère des Affaires étrangères de Pékin a souligné que l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale du Pakistan doivent être respectées. La Chine considère le Pakistan comme un important contrepoids face à l'Inde, pays qui à resserré ces dernières années ses liens avec les Etats-Unis.