Rarement une entreprise aura été autant incarnée par son patron. A l’instar d’un Bill Gates pour Microsoft ou d’un Richard Branson à Virgin, Steve Jobs était Apple et Apple était Steve Jobs. La marque à la pomme devra désormais s’approprier une autre image, celle de Tim Cook, son numéro deux qui, en reprend la direction générale.
« J'ai toujours dit que si jamais un jour je ne pouvais plus remplir mes devoirs et les attentes en tant que CEO (Chief executive officer) d'Apple, je serais le premier à vous le faire savoir. Malheureusement, ce jour est arrivé », écrit Steve Jobs dans un communiqué. Le mythique patron ne se retire pas pour autant définitivement d’Apple, puisqu’il prend la tête du conseil d’administration de l’entreprise.
Une façon de continuer à veiller sur son bébé à un rythme moins éprouvant que celui que lui imposait son précédent poste. Car Jobs, clairement, est malade. S’il n’a pas détaillé les raisons de son départ, il était en congé maladie depuis janvier 2011, le deuxième depuis 2009, année où il avait subi une greffe du foie. En 2004 déjà, il avait été soigné pour un cancer du pancréas. La coupe semble pleine et la démission de Steve Jobs est probablement définitive.
Crève-coeur
Elle apparaît comme un crève-cœur, alors que Jobs avait justement interrompu son congé maladie en mars 2011 pour présenter l’iPad 2, au cours d’une de ses fameuses keynotes, ces présentations d’un nouveau produit Apple par Jobs, seul sur scène, devant un public applaudisant à tout rompre. Ces keynotes ont d’ailleurs contribué à identifier Jobs et Apple comme un ensemble indissociable.
Et pour cause : c’est dans le garage de ses parents, dans la Silicon Valley, que Steve Jobs bricole son premier ordinateur, avant de fonder Apple officiellement avec Steve Wozniak en 1976. Le premier ordinateur sort la même année, quatre ans plus tard les « deux Steve » sont multimillionnaires après l’entrée de leur entreprise en bourse. Quatre ans se passent à nouveau avant qu’Apple ne présente Lise, en 1984. C’est le premier ordinateur comprenant une interface graphique et équipé d’une souris. Et c’est la première révolution de Jobs et d’Apple.
De l'iMac à l'iPad
Mais pas pour longtemps. Suite à des bisbilles internes, l’emblématique patron de la marque à la pomme est amené à démissionner en 1985. L’année suivante, il confonde les studios d’animation Pixar, qui, depuis Toy Story en 1995, enchaînent eux aussi les succès. Mais Jobs connaît aussi des revers : il fonde une autre société, Next, censée produire la « prochaine » génération d‘ordinateurs. C’est un échec, et l’entreprise est finalement absorbée par … Apple en 1997. Ce qui permet à Jobs de revenir à ses premières amours et de reprendre la tête de l’entreprise.
C’est le début d’un nouveau cycle fastueux pour Apple. Dès 1998, l’iMac, premier ordinateur coloré, arrive sur le marché. Suit l’iBook, présenté comme un iMac portable. En 2001, Apple sort le premier Ipod. Il s’est depuis vendu 250 millions d’exemplaires des différentes déclinaisons de ce lecteur numérique portable, qui existe aujourd’hui dans une version « nano » grande comme un cadran de montre et capable de stocker des dizaines d’heures de musique. Surtout, en 2007, Jobs et Apple, creusent d’un coup et pour plusieurs années un écart net avec leurs concurrents en lançant l’iPhone. Il est suivi de l’iPad. Le succès de ces appareils ultra-plats est immédiat, les adversaires d’Apple en sont réduits à produire des copies qui, aujourd'hui encore, n’égalent pas l’original.
Ces succès sont ceux de Jobs, à la fois visionnaire et bon manager, chose rare chez un patron. Le tandem indissociable entre le patron et la marque est tellement indissociable aux yeux de tous, qu’après l’annonce de sa démission, l’action Apple a terminé en chute de 7% à la clôture de Wall Street. Et les concurrents d’Apple ont vu leurs cours s’envoler. Le phénomène est connu : chaque mauvaise nouvelle concernant la santé de Jobs provoquait des réactions similaires. Saut que cette fois, Jobs ne reviendra plus aux commandes. Mais, en éternel optimiste souriant, il ne craint guère pour son entreprise. « Je pense que les jours les plus brillants et les plus innovants d'Apple sont à venir » , souligne-t-il dans son communiqué. Misons qu'en bon visionnaire, Jobs sait sans doute de quoi il parle.