Le Chili en pleine effervescence sociale

Plusieurs dizaines de milliers de personnes (centaines de milliers, selon les organisateurs) ont manifesté jeudi 18 août 2011 au Chili. Un mouvement qui a rassemblé des lycéens, des étudiants mais aussi leurs parents et leurs professeurs. Au centre des revendications, l’amélioration du système d’enseignement. Cette manifestation est la dixième depuis le mois de mai dernier. Le Chili est en ébullition.

Depuis maintenant plus de trois mois, la vie au Chili est rythmée par les mobilisations estudiantines. Santiago du Chili, la capitale, est le théâtre de la majeure partie des manifestations mais un peu partout des initiatives voient le jour. Une quarantaine de jeunes ont même commencé une grève de la faim. «Certains sont dans un état de santé préoccupant» confient les autorités. La jeunesse dénonce, entre autres, les frais d’inscriptions exorbitants pratiquées dans les universités.

Pour étudier, près de 70 % des jeunes n’ont pas d’autre choix que de s’endetter. «Selon une étude de la Banque mondiale, rapporte Frédérique Langue, chercheuse au CNRS, spécialiste du Chili, à la fin de ses études, un étudiant qui va jusqu’à la licence (3 ans) serait endetté à hauteur de 174 % de son premier salaire». Le Chili est donc un pays très inégalitaire, confirme la chercheuse : «Ce mouvement, c’est l’occasion de poser plus globalement la question des inégalités dans la société chilienne actuelle».

Faute de solution, un référendum ?

Parmi les slogans des dernières manifestants, on pouvait lire : «Tu veux étudier, joue à la loterie ? » ou encore «5 ans à étudier, 15 ans à rembourser». Le succès du mouvement est indéniable même si des violences avaient entaché la précédente manifestation, début août. Trois cents personnes avaient été blessées et 500 manifestants arrêtés. Sûre de son succès, l’une des représentantes du mouvement, Camilla Vallejo, a carrément appelé le gouvernement à un référendum : «Nous attendons une réponse positive [à nos revendications, NDLR]. Sinon nous avons une proposition : nous demandons au gouvernement qu’il ouvre des espaces démocratiques pour aboutir à un référendum. Si la situation n’est pas résolue grâce à un accord entre nous et le gouvernement, il n’y aura pas d’autre solution que de demander à la population ce qu’elle en pense. C’est comme cela que l’on pourra résoudre ce conflit. »

L'intransigeance du gouvernement

En face, le gouvernement de droite est très longtemps resté intransigeant. Sous la pression de la rue, le ministre de l'Education avait quand même dû démissionner, à la mi-juillet. Mais le président de la République, Sebastián Piñera, s'est engagé dans un véritable bras de fer avec les manifestants. Il répétait, il y a quelques jours encore, que l’éducation est un bien de consommation comme un autre : «Tous, nous voudrions que l'éducation, la santé et plusieurs autres secteurs soient gratuits. Mais je dois vous rappeler que rien n'est gratuit dans la vie. Au final, quelqu'un doit payer».

Mécontentement généralisé

La cote de popularité de Sebastián Piñera s'effrite : il recueille aujourd’hui seulement 26 % d’opinion favorable, contre 53 % de mécontentement. C’est certainement l’une des raisons qui ont finalement poussé, cette semaine, le gouvernement à lâcher un peu de lest.

Le ministre de l’Education a annoncé que le taux des crédits sera réduit pour les étudiants, des aides seront débloquées pour les moins aisés et les subventions seront augmentées pour les établissements scolaires. Cela n’a pas suffit à calmer les manifestants. Selon Frédérique Langue, le mouvement s’étend même à d’autres pans de la société : «Il y a convergence de certains mouvements sociaux avec les étudiants, qu’il s’agisse du secteur minier ou du cuivre qui connait lui aussi ses plus importantes manifestations depuis le retour de la démocratie en 1990. Il y a un profond mécontentement de la société chilienne.»

Le président chilien, élu l’an dernier, avait un temps suscité l’espoir. Aujourd’hui, il déçoit une partie du pays. Certains, dans l’opposition, appellent déjà à des élections anticipées.

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