Trente ans après le premier lancement de Columbia, en avril 1981, le rêve ambitieux s’éteint. La navette spatiale américaine incarnait le rêve de disposer d’un vaisseau capable de tout faire : transporter du fret, des équipages, lancer des satellites, les réparer, revenir sur Terre et recommencer quelques jours plus tard. Le vrai camion de l’espace !
Une erreur stratégique ?
Aujourd’hui le programme s’arrête car le rêve ne s’est pas réalisé complètement : les coûts de lancements sont devenus faramineux (jusqu’à plus d’un milliard de dollars par lancement), la cadence des lancements n’a jamais permis aux navettes d’être concurrentielle sur le secteur des lancements de satellites, secteur qui a fait la fortune d’Ariane… Et puis, bien sûr, il y a eu ces deux terribles accidents : en 1986 Challenger, le 25 ème vol, qui explosa juste après son lancement et en 2003 Columbia, qui se désintégra lors de son retour dans l’atmosphère.
Pour Alain Dupas, expert en programmes spatiaux, le programme des navettes a été une erreur stratégique majeure : « Sur le plan technologique, il ne fait aucun doute que la navette représente un pas important. Le problème est qu’il s’agit d’un système très complexe et finalement très cher ». De fait, la Nasa n’a jamais réussi à programmer plus de huit ou neuf vols par an, et ces dernières années, la norme était plutôt de trois ou quatre.
Des ambitions récompensées
Mais nombreux sont ceux qui préfèrent relever les grands accomplissements de ce programme: 132 vols réussis à ce jour, des missions extrêmement ambitieuses comme le montage de la Station spatiale internationale, le lancement de Hubble, le télescope spatial, puis les missions de réparation et de maintenance, dans l’espace, du télescope.
Jean-François Clervoy, le spationaute français, a voyagé deux fois sur Atlantis et une fois sur Discovery. Il fait partie de ceux qui défendent ce programme : « Challenger a été désintégrée à cause d’un défaut sur les boosters à poudre et Columbia a été détruite à cause d’un défaut du réservoir extérieur. Mais le véhicule lui-même est hyper-fiable, c’est le gros lanceur sur lequel il est attaché qui a causé sa perte a deux reprises ».
Une situation paradoxale
Une fois la mission de cette dernière navette accomplie, les agences spatiales internationales auront encore le choix entre les véhicules européen, japonais et russe pour transporter le fret sur la station.
En ce qui concerne l’acheminement des astronautes, la situation est tout autre puisque seules les capsules Soyouz sont désormais équipées pour cette mission. Une situation de nature à changer la donne internationale : « La Russie va avoir un rôle absolument essentiel pendant de nombreuses années », explique Alain Dupas, « le temps que les Etats-Unis mettent au point un nouveau système pour emmener les hommes dans la station ». Résultat : les Américains ont beau être les principaux investisseurs de la Station spatiale internationale, ils doivent maintenant s’en remettre aux petits vaisseaux Soyouz dans lequels les astronautes doivent s’entasser avec quelques centaines de kilos de matériel.
La relève pourrait bien venir du privé avec des sociétés comme Space X, la société d’Elon Musk, le fondateur de Paypal, qui travaille à un programme pour acheminer les marchandises mais aussi à un programme de vols habités. « Quoiqu’il en soit, c’est de toute façon la fin d’une époque », conclut Jean-François Clervoy, « On ne verra pas avant un moment, des vaisseaux ailés revenir de l’espace pour se poser sur une piste ! ».
A écouter sur le même sujet la Chronique de Patrick Chompré "Dernières nouvelles des étoiles" (mardi 5 juillet 2011) :