La puissance politique de la coalition en Afghanistan s’effrite après des retraits en cascade

En Afghanistan, après le départ des Néerlandais en 2010, les Canadiens achèvent ce 7 juillet 2011 leur mission combattante. La décision avait été prise l’année dernière par le gouvernement de Stephen Harper sous la pression de l'opposition et de l'opinion publique. Elle était donc attendue. Américains, Britanniques et Français ont fait part de leur calendrier de retrait partiel. Tous ces départs affaiblissent le rôle de la coalition.

Les 3 000 Canadiens engagés dans une mission combattante quittent la province de Kandahar. C’est l'un des deux fiefs insurgés du sud de l'Afghanistan, avec la province du Helmand. Toutefois, le Canada ne quitte pas l'Afghanistan puisqu'il va poursuivre, jusqu'au terme de la présence du contingent internationale en 2014, une mission d'instruction menée par environ 900 hommes auprès de l'armée afghane. 

Avec 157 soldats tués, le Canada a chèrement payé son engagement au sein de la coalition. C’est ce qu’estime l'analyste militaire Rémy Landry, professeur associé à l'université de Sherbrooke au Québec. Certes, ce bilan a lourdement pesé dans la décision de partir, mais surtout, estime encore cet expert, les buts de la mission n’ont pas été expliqués de façon suffisamment transparente pour convaincre l’opinion canadienne de son utilité. Pour Rémy Landry, Ottawa a néanmoins montré la qualité de son armée en situation opérationnelle. Il est optimiste sur l’avenir du pays mais il faudra, dit-il, « continuer à cheminer aux côtés des Afghans ».

Pourtant, indépendamment des circonstances particulières à chaque pays, ces

retraits et ces annonces laissent le sentiment de départs précipités et concertés parmi les membres de la coalition internationale. Le directeur des études de sécurité à l’Institut français des relations internationales (IFRI) est convaincu que ce mouvement général ne doit rien au hasard et que le leadership américain est évidemment central dans la décision. Etienne de Durand évoque un effet « délétère ». Selon lui, c’est désastreux, surtout pour ceux qui restent, c'est-à-dire pour les Afghans. Et cela crée une situation de nature à provoquer de la confusion sur la stratégie à l'œuvre.

L'universitaire Jean-Charles Jauffret, enseignant à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence et auteur d'un ouvrage sur la question (sous le titre Afghanistan 2001/2010, chronique d'une non-victoire annoncée), est encore plus sévère. Selon lui, cette politique est carrément incohérente, « catastrophique, pire que (celle menée par) les Soviétiques » lors de leur intervention en 1979 et leur débandade dix ans plus tard. L’universitaire déclare notamment que « les Américains font n'importe quoi », notamment en n’ayant pas été suffisamment avisés pour rompre avec l’actuelle direction afghane et son président qu’il juge corrompus.
 

Jean-Charles Jauffret ne croit pas à l’efficacité du transfert de compétences militaires aux forces de sécurité afghanes qu’il qualifie « d’emplâtre sur une jambe de bois ». La date de 2014 lui paraît tout à fait prématurée pour un retrait définitif. Selon ce spécialiste, 2020 serait plus appropriée. Et, en tout état de cause, il est convaincu que les Etats-Unis conserveront sur place trois bases permanentes transformées en camps retranchés : Bagram (dans l’Est), Kandahar (au sud) et Herat (dans l’ouest).

Pourtant la question du retrait des forces étrangères d'Afghanistan reste pertinente : elle est inscrite dans le principe même de l'intervention. En effet, personne n’envisage le maintien durable d’un contingent expéditionnaire étranger qui se transformerait à terme en armée d’occupation. Mais, selon nos interlocuteurs, l'évocation d'une date-buttoir pour un retrait unilatéral, comme c'est le cas actuellement, sans négociation globale préalable, et sans travail préalable sur le destin politique du pays, est une erreur. « Pour mener une bonne négociation, il faut une carotte et un bâton », estime Etienne de Durand. En se retirant trop vite, les marges de négociation s’en trouvent réduites et il craint que les alliés ne soient « en train de saboter la possibilité d’un gouvernement d’union nationale et d’un partage du pouvoir ».

En conclusion, on constate un écart sensible entre l’évaluation faite par les chercheurs et les politiques de retrait à l’œuvre. Une fois les troupes étrangères parties, il sera extrêmement difficile de les faire revenir, même en cas d'urgente nécessité, souligne Etienne de Durand.
 

Partager :