Barack Obama n’a même pas cherché à cacher la raison fondamentale de ce retrait d’Afghanistan : dans son intervention mercredi 22 juin au soir, il a annoncé qu’au cours de la dernière décennie, les Etats-Unis avaient dépensé 1 000 milliards de dollars dans cette guerre, précisément au moment où le pays traversait une crise économique et devait faire face à des déficits jamais vus. D’où la conclusion du président des Etats-Unis : « Maintenant nous devons investir dans la plus grande ressource des Etats-Unis : nous-mêmes. Nous devons innover pour créer des emplois et de l’industrie ».
Le président américain est surtout confronté à un déficit record au point qu’il a été obligé de demander au Congrès de relever le plafond des déficits autorisés. Mais depuis les dernières élections de mi-mandat, les démocrates n’ont plus la majorité à la Chambre des représentants. La majorité républicaine a donc refusé au président américain les dépassements qu’il réclamait. Sans des coupes drastiques dans les budgets, l’Etat américain risque de se retrouver dans les toutes prochaines semaines en cessation de paiement… La façon la plus radicale de couper dans les dépenses, c’est de ramener les GI’S à la maison, le plus tôt possible. Les premiers rentreront dès juillet.
Un an avant l’élection présidentielle
Juste après l’opération qui a conduit à la mort d’Oussama ben Laden, la cote de popularité du président était remontée au-dessus de la barre des 50%, avec 53% d’opinions favorables le mois dernier. Mais la crise économique dont le pays ne sort pas et surtout le chômage qui ne recule pas de manière significative ont fait reculer les sondages : seulement 43% de personnes interrogées approuvent désormais l’action de Barack Obama. C’est dans son propre camp, le camp démocrate, qu’il y a la plus grande impatience vis-à-vis des troupes à l’étranger. Deux tiers des démocrates veulent que les troupes rentrent le plus tôt possible, alors qu’ils n’étaient que 43% l’an dernier. Même chez les républicains plus favorables aux opérations extérieures commencées sous George Bush, 43% veulent maintenant voir revenir les troupes alors qu’ils n’étaient que 31% il y a un an. La situation en Afghanistan s’invitera forcément dans la prochaine élection présidentielle. Avec le départ de 10 000 hommes d’ici fin 2011, et 23 000 supplémentaires d’ici l’été 2012, Barack Obama tient la promesse qu’il avait faite en 2009 lorsqu’il avait envoyé 33 000 soldats supplémentaires. Pendant la campagne électorale qui promet d’être dure, il pourra au moins rappeler qu’il a tenu cet engagement.
Trois options possibles
Comme pour les tailles ou les pop-corn, le président américain avait l’option « small », « medium » ou « large ».
Le retrait « small », le plus modeste, prévoyait tout de même le retrait d’environ 30 000 hommes d’ici la fin de l’année prochaine mais le maintien de 60 000 soldats jusqu’en 2014. C’est celle qui avait la préférence du Pentagone pour une raison simple : c’est celle qui permettait de préserver les victoires chèrement acquises sur les insurgés.
L’option « medium » nécessitait de revoir les objectifs en Afghanistan, de s’appuyer sur les forces afghanes pour la lutte contre les insurgés et concentrer les forces américaines sur le contre-terrorisme. Avec le départ de 40 000 hommes d’ici à la fin de l’année prochaine, à l’horizon 2014 il ne devait plus y en avoir que 30 000. Cette option risquait de remettre en cause le calendrier de déploiement des forces afghanes.
L’option haute, « large », prévoyait le retrait de toutes les forces dans un avenir très proche. C’est l’option qui avait la préférence du vice-président Joseph Biden, celle qui devenait exclusivement une opération de contre-terrorisme sur le modèle du Yémen, ce que les militaires américains appellent « lean and lethal » : une présence quasi nulle mais mortelle. Cette fois, les militaires américains prenaient le risque de voir tous leurs efforts anéantis sur le terrain de l’insurrection talibane.
Barack Obama a donc choisi entre l’option basse et l’option médiane. Il retire les 30 000 hommes qu’il avait lui-même décidé d’envoyer en 2009.
La France emboîte le pas
Quelques heures seulement après Barack Obama, la présidence française a annoncé un retrait progressif des 4 000 soldats français stationnés en Afghanistan. « La France partage l’analyse et les objectifs des Américains », dit le communiqué de l’Elysée. La France partage surtout la même crise économique, des déficits budgétaires et des préoccupations électorales. 2012 sera aussi l’année de l’élection présidentielle en France et même si le débat sur le retrait des forces d’Afghanistan est moins vif en France qu’aux Etats-Unis, un retour des soldats français ne peut qu’être populaire d’autant plus que neuf soldats français ont déjà été tués au cours des six premiers mois, ce qui en fait le début d’année le plus meurtrier depuis l’envoi de troupes sur place.
Il faut aussi prendre en compte le cadre des négociations qui ont lieu actuellement directement entre les talibans et les Etats-Unis. Hamid Karzaï l’a officiellement reconnu il y a moins d’une semaine. Or l’exigence première des talibans, c’est le retrait de toutes les troupes étrangères du sol afghan. Les Etats-Unis n’ont pas encore cédé en tous points mais c’est un premier gage donné aux talibans pour faire aboutir ces discussions.