Le Brésil reconnaît juridiquement l’union homosexuelle

Le plus grand pays catholique du monde a reconnu jeudi 5 mai 2011 l’union civile pour les couples homosexuels. Le Brésil est le 4ème pays d’Amérique latine à se doter d’une telle législation après l’Argentine, l’Uruguay et la Colombie.

Par  Mélodie Pépin

La décision de la Cour suprême est sans ambiguïté puisque les 10 juges ont voté à l’unanimité balayant l’opposition catholique. Une décision historique et réformatrice pour le Brésil. « Ceux qui ont opté pour l’union homosexuelle ne peuvent être des citoyens de deuxième catégorie », a déclaré la juge Carmen Lucia en votant en faveur de la réforme, jeudi.

Les couples homosexuels unis par un contrat civil sont désormais assimilés aux couples hétérosexuels. « La décision n’autorise pas le mariage homosexuel, il ne s’agit pas non plus d’un pacs », explique Stéphane Monclaire, politologue, spécialiste du Brésil et maître de conférence à la Sorbonne. Il s’agit d’une « union stable » dite familiale qui permet aux contractants de disposer de droits tels que la pension, l’héritage, et l’adoption d’enfants. Tous les juges du pays devront désormais se soumettre à cette nouvelle législation. « Une prime salariale versée à un couple hétérosexuel, pourra aussi être versée à un conjoint homosexuel », ajoute Stéphane Monclaire.

Le gouverneur de Rio, Sergio Cabral, avait lancé le débat l’an dernier en déposant un recours pour demander la reconnaissance de cette union civile. « Et ce n’est pas anodin. Il ne savait pas si les fonctionnaires homosexuels en union stable pouvaient recevoir cette prime, par ailleurs accordée aux hétérosexuels en union stable », explique Stéphane Monclaire. C’est d’ailleurs à Rio de Janeiro que le nombre d’unions civiles homosexuelles déclarées est le plus important. Au total, le Brésil compte 60 000 de ces couples.

L’opposition religieuse est farouche

Depuis 2009, le Brésil se bat pour les droits des homosexuels incluant la formation de fonctionnaires et de professeurs, le financement de défilés gays.

Dans le sud-est, à Sao Paulo, la « Parade de la fierté gay » est le plus grand défilé homosexuel du monde et rassemble des millions de participants. L’Etat du Minas Gerais a ouvert la première prison pour gays, bisexuels, et transsexuels du pays pour protéger les détenus des violences homophobes.

Mais l’opposition religieuse est farouche. « C’est un pays de contraste, à la fois libéré et conservateur », souligne François-Michel Le Tourneau, chercheur au CNRS et spécialiste du Brésil. « Il n’est pas sûr que la majorité des mentalités évoluent. Il reste encore à légaliser cette décision et à définir les modalités des droits accordés. Le congrès, conservateur, a toujours un crucifix accroché au mur. Cela risque d’être difficile et de prendre du temps », poursuit-il.

Pour exemple, le projet de loi de pénalisation de l’homophobie fait face à la résistance des groupes catholiques et évangéliques depuis 2009. Le Brésil détient aussi le triste record d’assassinats d’homosexuels. L’association militante Groupe Gay de Bahia (GGB) a recensé 3 196 meurtres depuis 1980, soit 110 en moyenne par an.

L’Amérique latine en pointe sur la législation homosexuelle

Avant le Brésil, l’Argentine a dû batailler dur contre l’Eglise catholique. Fin décembre 2010 à Ushuaïa, les homosexuels remportent une victoire avec la célébration du premier mariage entre deux hommes en Argentine. La victoire n’a pas été facile. Il aura fallu quinze heures de débat pour entériner la loi au Congrès. L’Argentine reste le seul pays de la région à autoriser le mariage gay.

Quelques mois avant, le Mexique avait été le premier à donner son feu vert au mariage gay, mais ce dernier n’est légal qu’à Mexico. Les députés ont par ailleurs autorisé l’adoption pour les couples homosexuels. Depuis, l’Eglise est entrée en résistance pacifique, et regagne de l’influence avec le parti conservateur mexicain, PAN, actuellement au pouvoir derrière le président Felipe Calderon.

Ailleurs, seuls l’Uruguay et la Colombie autorisent les unions civiles. L’Uruguay a la législation la plus avancée. Le pays autorise l’adoption et la possibilité pour les transsexuels de changer officiellement de prénom. En Bolivie et en Equateur, l’interdiction de la discrimination sexuelle est inscrite dans la Constitution.

Restent les mauvais élèves. A Cuba, le Parlement « pourrait » examiner un projet de loi légalisant les unions civiles et l’adoption. Quant au Pérou, il réprime. Le gouvernement a promulgué un règlement qui sanctionne sévèrement les agents de police homosexuels. Ces derniers donneraient une mauvaise image de l’institution.

Partager :