Dernier saut d'obstacle pour un scrutin bien poussif en Haïti

L'un est chanteur, l'autre une intellectuelle. C'est l'affiche du second tour de la présidentielle haïtienne ce 20 mars presque quatre mois après le premier tour. Des milliers de casques bleus de l'ONU sont déployés pour ce duel entre Mirlande Manigat et Michel Martelly. Le dernier sondage accordait une avance à l'artiste, mais pour l'emporter, il lui faudra mobiliser les électeurs. Or, l'abstention est traditionnellement forte en Haïti et les partisans de l'ex-président Aristide, rentré vendredi dans son pays après sept ans d'exil pourrait décider de s'abstenir massivement . Le parti de l'ex-chef d'Etat, exclu de ce scrutin, demande son annulation.

 Il a 49 ans. Elle en a 70. Il est chanteur. Elle est professeur de droit constitutionnel. Il est charmeur et emporté. Elle est posée et distante. Il incarne les couches populaires. Elle incarne les élites. Il est proche des milieux d’affaires quand elle peine à rallier tous les intellectuels. Il revendique son inexpérience politique, elle affiche sa parfaite connaissance des institutions. Il lui a fallu la pression de la rue pour faire reconnaître son score électoral alors qu’elle est facilement arrivée en tête du premier tour. C’est peu dire que tout oppose Michel Martelly et Mirlande Manigat. Même les atouts de l’un sont présentés comme des dangers par l’autre.

Ainsi quand le camp de Michel Martelly affiche la popularité du chanteur, le camp de

Mirlande Manigat parle de populisme. Quand à son tour elle parle de son expérience politique, le camp adverse crie à l’immobilisme. Quand Michel Martelly promet l’autorité de l’Etat, le camp Manigat annonce le retour de l’autoritarisme. Quand la candidate promet de rétablir les institutions, le camp Martelly l’accuse de ne rien vouloir réformer. Pour Michel Martelly, Mirlande Manigat incarne la continuité du président sortant, René Préval. Mirlande Manigat pointe les duvaliéristes qui entoureraient Michel Martelly.

Il promet l’école gratuite, la reconstruction rapide des maisons et des infrastructures, l’instauration d’un Etat de droit. Il s’appuie sur la classe paysanne, première victime de l’effondrement de l’économie du pays. « Démagogie » accusent ses adversaires. « C’est un discours simple pour être compris des classes peu éduquées » répond Michèle Oriol, une sociologue engagée auprès de Michel Martelly.

Après ses études à la Sorbonne puis à Sciences Po à Paris, la carrière de Mirlande Manigat, professeur de droit, constitutionnaliste, lui tient lieu de programme. Il apparaît comme une évidence qu’elle restaurera l’Etat de droit mis à mal par tous les dirigeants depuis les années 50 à commencer par les Duvalier père et fils puis Jean Bertrand Aristide.

Aristide a-t-il les clés du scrutin ?

C’est d’ailleurs lui qui, en rentrant au pays vendredi 18 mars, s’est emparé des clés du second tour de l’élection présidentielle. Tout au long de ses sept ans d’exil en Afrique du Sud, il a non seulement conservé la tête de son parti, le parti Fanmi Lavalas, mais aussi son incroyable popularité auprès de ce petit peuple démuni de tout et avide d’une redistribution des richesses d’Haïti car elles existent.

Entre ce populiste de gauche et le populiste de droite Michel Martelly, peut-il y avoir un rapprochement ? Beaucoup en doutent tant le passif entre les deux hommes est profond et ancien, le milieu des affaires ayant beaucoup fait pour le renversement de Jean Bertrand Aristide en 2004.

En revanche, une partie de l’électorat de « Sweet Micky » pourrait se rallier à une éventuelle consigne de vote de Jean Bertrand Aristide. Sa simple présence est apparue comme un signe pour aller voter et pour aller voter plutôt pour Mirlande Manigat, idéologiquement plus proche de l’ancien président. A moins que le retour d’Aristide soit un appel plus ou moins silencieux à boycotter ce scrutin si mal engagé au premier tour.

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