Jean-Claude Duvalier, de retour en Haïti : «Je suis venu aider mon pays»

Après 25 ans d’exil en France, Jean-Claude Duvalier est arrivé dimanche 16 janvier 2011 à Port-au-Prince. L’ancien dictateur, âgé de 59 ans, revient en Haïti au moment où le pays traverse une grave crise politique et sanitaire un an après le séisme. La réapparition de « Baby Doc » ne laisse aucun Haïtien indifférent. Chevalier blanc ou semeur de trouble ? Quel rôle l’ex-président comptera-t-il jouer dans les mois qui viennent ?

C’est avec un grand sourire que Jean-Claude Duvalier, vêtu d’un costume bleu foncé, met les pieds sur sa terre natale. Il a été accueilli par environ 300 personnes venues acclamer le « bon papa Jean-Claude », comme disent certains. Que leur répond celui qui a été chassé de ses terres en 1985 ? « Je suis venu aider mon pays », affirme l’ancien président sans donner plus de précisions sur l’objectif de son retour.

Il est vrai que l’arrivée de « Baby Doc » a de quoi étonner plus d’un Haïtien, à commencer par le gouvernement qui ne l’attendait visiblement pas. Les autorités françaises et américaines ainsi que la Minustah ont été elles aussi prises au dépourvu. Le ministère des Affaires étrangères français confirmait ce lundi 17 janvier ne pas avoir été informé du retour de Jean-Claude Duvalier. Selon Le Nouvelliste, M. Duvalier, muni d’un passeport diplomatique, pouvait circuler librement et donc quitter le territoire français.

Duvalier est-il le bienvenu ?

Logé à l’hôtel Karibe, l’un des hôtels les plus chics du pays, sur les hauteurs de Pétion-Ville, le « président à vie », comme il s’est nommé lui-même à l’époque, savoure son « coup ». Il ne lui a pas échappé que parmi les gens venus le saluer à l’aéroport se trouvaient des sympathisants des trois principaux candidats à la présidence, Mirlande Manigat, Michel Martelly et Jude Célestin, le dauphin de l’actuel président René Préval. D’ailleurs certains observateurs politiques se demandent si l’arrivée de Duvalier n’a pas été orchestrée par Préval, d’autant que l’oncle de Célestin, Rony Gilot, a été ministre de l’Information sous Jean-Claude Duvalier. Or, Jude Célestin est justement le candidat que l’Organisation des Etats américains (OEA) recommande d’écarter au deuxième tour, au profit du chanteur populaire Michel Martelly.

Un justiciable comme les autres ?

Sur les ondes des radios haïtiennes, beaucoup de gens interrogés dans la rue se réjouissaient du retour de « Baby Doc ». Mais d’autres rappelaient à la population l’héritage sombre des années Duvalier (1971-1986). Parmi eux, la veuve du journaliste Jean Dominique, assassiné en 2000. Des organisations de défense des droits de l’homme ont d’ailleurs appelé les autorités haïtiennes à traduire en justice l’ancien président. Ainsi, le RNDDH (Réseau national de défense des droits humains, une organisation haïtienne), souhaite que Jean-Claude Duvalier réponde devant la justice des nombreux crimes et des vols qu'il a commis durant son règne.

Pour l’instant, le gouvernement haïtien ne s’est pas encore prononcé sur ce sujet sensible. Seul commentaire lapidaire du Premier ministre Jean-Max Bellerive à propos de la venue de Duvalier : « C’est un Haïtien et il ne va pas déstabiliser le pays ».

Une nostalgie des années Duvalier

Il est difficile à croire cependant que « Baby Doc » a choisi la date de son retour par pur hasard, le jour même où l’OEA s’apprêtait à finaliser les résultats du premier tour en accord avec le président Préval. Mais quel rôle jouera-t-il dans le processus électoral ? On en saura plus dans les jours qui viennent. Ce qui est sûr c’est que beaucoup d’Haïtiens ressentent une certaine nostalgie du gouvernement Duvalier. « Au moins, à l’époque, les rues étaient propres, on pouvait se promener en toute sécurité et les services publics fonctionnaient correctement », remarque un diplomate européen qui vit à Port-au-Prince depuis trente ans. Reste à savoir comment les jeunes Haïtiens (50% de la population a moins de 18 ans), qui n’ont connu que les coups d’Etats et la précarité, accueilleront l’ancien président. Chevalier blanc ou vieux fantôme du passé ? Jean-Claude Duvalier n’a pour l’instant donné aucune indication sur le rôle qu’il envisage de jouer sur la scène politique de son pays. Selon l’ambassade française à Port-au-Prince, l’ancien président haïtien possède un billet de retour pour la France le 20 janvier. 

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