« A Port-au-Prince rien de ce qui a été promis n’a été fait », s’exclame Faron, jeune ingénieur au chômage. « Les décombres n’ont pas été déblayés. Et les gens qui étaient sous les tentes les jours qui ont suivi le tremblement de terre, y sont toujours aujourd’hui. J’ai un message pour la communauté internationale : mettez enfin en pratique ce que vous dites parce que nous avons besoin d'aide ».
Un an après le tremblement de terre, les victimes sont à bout. Malgré les promesses de la communauté internationale, les sinistrés en Haïti ne voient toujours pas d'amélioration de leur vie quotidienne. Le travail accompli depuis le 12 janvier 2010 est effectivement loin de ce que les Haïtiens pouvaient en attendre. A Port-au-Prince, pas plus d’une superficie de 6 % est actuellemnt déblayée. Il reste encore 20 millions de mètres cubes de béton et de pierres à enlever. Cette tâche semble colossale, vu les faibles moyens techniques d'Haïti.
Une petite partie des donations allouée
L’une des explications pour la lenteur des travaux de reconstruction sont les promesses non tenues des donateurs internationaux. En mars 2010, la conférence des donateurs à New York a promis 5,3 milliards de dollars pour les deux premières années après le séisme. Mais une petite partie seulement a été vraiment allouée : 1,2 milliard de dollars. Ceci s'explique entre autres par la crise économique qui sévit au niveau mondial, mais aussi par l'avenir politique incertain d'Haïti, en pleine tourmente électorale.
« Les grands donateurs sont pris par une certaine peur », explique Roland Van Hauwermeiren, directeur de l'organisation humanitaire Oxfam en Haïti. « Ils ne veulent pas allouer les fonds promis tant qu’il n’y a pas une vraie vision stratégique bien développée, ils attendent l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Cela étant dit, je crois que cet argument politique est dévastateur pour le pays parce qu'entre temps, les gens restent sous les tentes. Et si on continue à parlementer ainsi, ils seront encore sous les tentes dans les deux ans à venir ».
Logements : la stratégie des tentes mise en cause
Après le tremblement de terre, le gouvernement a recensé 390 000 bâtiments détruits ou endommagés. Un millier seulement ont été réparés. Un an plus tard, plus de 800 000 personnes vivent toujours sous des tentes. Les organisations internationales commencent à s’interroger si la stratégie choisie dans l’urgence était la bonne. N'aurait-il pas mieux valu investir dans les matériaux durables au lieu de dépenser des millions de dollars dans l'achat des tentes ?
Selon le docteur Marie-Pierre Allié, présidente de Médecins sans frontières, « on doit s'attendre dans ce type de catastrophe, quand il y a un tel niveau de destructions, à ce que le retour à une normalité, à la possibilité de construire des logements, des maisons, soit très très long. Et donc il faut se dire que des personnes vivront de toute façon dans des conditions relativement précaires pour une longue durée. Et dans ce cadre là, effectivement plutôt que de distribuer des tentes, il faudrait qu'on puisse imaginer d'autres solutions avec des matériaux sans doute un peu plus solides. C'est dans ce domaine là qu'il y a un véritable effort d'innovation à faire. Alors qu'on retourne toujours vers le système classique des tentes. Mais on voit bien que les tentes ne peuvent pas résister à la durée ».
En cet anniversaire du séisme, le gouvernement va lancer un grand chantier à Port-au-Prince pour la construction de 3 000 appartements sociaux. Une mesure évidemment insuffisante et qui relève du symbole, mais c'est un début.
La Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti critiquée
Afin de coordonner les efforts et définir des stratégies de reconstruction, une commission spéciale a été créée en avril 2010 : la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti. Co-présidée par l'ancien président américain Bill Clinton et l'actuel Premier ministre haïtien Jean-Max Bellerive, cette commission s'est attirée de nombreuses critiques. Selon l'organisation Oxfam, elle s'est montrée pour l'instant parfaitement inefficace.
« Cette commission n'a pas de mandat politique assez fort pour attaquer les problèmes à la racine », estime Roland Van Hauwermeiren. « Elle n’est pas basée sur une stratégie claire. Elle ne se concentre pas assez sur les vrais problèmes des communautés. Et enfin, la voix de la population n'existe pas. Je crois que la société civile doit être représentée dans cette commission ».
« Il faut reconstruire avec intelligence et ça prend du temps »
« On peut avoir une vision pessimiste des choses en disant : rien n'a changé, rien n'a bougé. Je ne crois pas que ce soit le cas », souligne Francis Charhon, directeur général de la Fondation de France. « On est entrés dans une phase de reconstruction. Mais une reconstruction, ça se prépare. Un an, ce n’est finalement pas beaucoup. Il faut reconstruire avec intelligence, en sachant ce qu'on fait, en faisant participer les Haïtiens. Regardez la Nouvelle Orléans qui est à peine reconstruite : ça prend du temps ».
Tout ce processus semble pour l'instant suspendu au résultat des élections.