Elections en Haïti: une journée de vote sous tension

Le premier tour des élections présidentielle, sénatoriales et législatives se tient ce dimanche 28 novembre en Haïti. Plus de dix mois après le séisme, avec l’épidémie de choléra qui touche tout le pays, jamais élection ne se sera passée dans un climat si difficile.

De notre correspondante à Port-au-Prince

Haïti se choisit de nouveaux dirigeants. Après le tremblement de terre du 12 janvier, les élections législatives prévues pour le mois de février avaient été annulées. Ce dimanche, ce sont donc 11 sénateurs, 99 députés et un président de la République que les citoyens doivent élire. Quand les autorités ont fait le choix en juin de reprendre le processus électoral, les défis étaient de taille et depuis la situation s’est aggravée.

Malgré l’appel de certains candidats au report du vote, le conseil électoral provisoire a maintenu la date du 28 novembre. Rien ne doit arrêter la lente progression d’Haïti vers la démocratie. Plus de 4,7 millions d’électeurs sont donc appelés aux urnes. Et les Haïtiens sont partagés entre l’urgence humanitaire et sanitaire et le besoin de changement.

« Rien ne va changer »

Comment penser politique alors que le quotidien se résume aux besoins primaires : manger, dormir. Depuis plus de dix mois, ils sont un million et demi à vivre, survire sous les tentes. Si seul un cyclone, Tomas, est passé cette année à proximité d’Haïti, la saison des pluies n’a laissé aucun répit aux familles dans les camps. Dans la capitale Port-au-Prince, ceux qui ont tout perdu lors du séisme attendent toujours qu’on leur propose une solution de relogement. « Nous nous sommes organisés entre nous, nos abris sont devenus plus solides au fil des mois mais moi je ne peux plus attendre », explique calmement Josué qui s’est installé dès le 13 janvier sur le Champ de mars.

Le jeune homme a pour paysage les ruines du Palais présidentiel. Son 18e anniversaire, il l’a passé à vendre des boissons glacées. Majeur, il peut voter, seulement il n’a pas la volonté. Les portraits des 19 prétendants à la présidence sont affichés sur la pelouse du Palais mais aucun n’aura le vote de Josué. « Les élections ? Qu’est ce que cela va changer pour moi demain, après-demain. Rien, je le sais », affirme-t-il.

Psychose du choléra

À ce drame humanitaire s’est rajouté en octobre le choléra. En six semaines, l’épidémie a tué plus de 1 600 personnes et a gagné tous les départements du pays. Maladie inconnue dans le pays, les habitants sont gagnés par la peur de la contagion. Les écoles restent ouvertes, les commerces continuent de fonctionner mais la psychose s’est cristallisée à l’approche du jour du vote. Autorités médicales, électorales et humanitaires continuent leur campagne de prévention. En respectant les règles d’hygiène de base les citoyens n’ont pas plus de risque d’attraper le choléra en allant voter qu’en menant leurs activités quotidiennes. Mais la majorité de la population redoute les longues files d’attente devant les bureaux de vote.

Si le vote de dimanche va permettre au Parlement haïtien de reprendre du service, l’intérêt se porte avant tout sur la course à la présidence. Car René Préval est devenu très impopulaire, notamment après le séisme, la population veut le voir quitter au plus tôt le pouvoir. Pour sa succession, plusieurs personnalités sont préférées - Mirlande Manigat, Michel Martelly, Jude Célestin (choisi par Préval pour représenter le parti Unité) – mais aucun ne se détache nettement.

La tension est palpable

Haïti pourrait connaître un second tour présidentiel pour la première fois de sa courte histoire démocratique, prévu dans le calendrier électoral pour le 16 janvier 2011. Mais avant d’envisager un deuxième passage aux bureaux de vote, l’inquiétude première reste bien la participation des électeurs au premier tour. Au-delà des difficultés quotidiennes des sinistrés du séisme, au delà de la menace du choléra, les citoyens redoutent des incidents, des violences qui entacheraient ces élections. La tension est palpable dans le pays, tous craignent que les partisans les plus zélés des différents candidats ne finissent par s’affronter.

La police nationale et les casques bleus de la Minustah se sont préparés et ont annoncé être en mesure d’assurer la sécurité dimanche et les jours suivants. Cela n’empêche pas les habitants de repenser leur participation : avant de sortir dans les rues, nombreux sont ceux qui voudront s’assurer que les environs de leur bureau de vote n’est pas le théâtre d’incidents violents.

 

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