RFI : Alors que l’épidémie de choléra sévit en Haïti et que les plaies du terrible séisme du 12 janvier sont loin d’être fermées, était-il raisonnable de maintenir la date des élections générales, le 28 novembre ?
Edmond Mulet : Absolument. Nous aurons des élections dans moins de 46 heures. C’est le délai qui est imposé par la Constitution de la République. Il faut que les Haïtiennes et les Haïtiens élisent leurs autorités pour avoir un transfert de pouvoir démocratique en Haïti, ce qui n’est pas très courant. Si il y a de bonnes élections, le 7 février 2011 aura lieu le transfert pour la deuxième fois dans l’Histoire d’Haïti, en 200 ans la deuxième fois seulement, le transfert de pouvoir d’un gouvernement légitimement élu à un autre gouvernement démocratiquement élu. Il faut avoir de nouvelles autorités sur place, avoir le leadership national pour faire face à tous les défis de la reconstruction, du choléra, de l’insécurité, de la faiblesse de l’Etat. Ces élections sont indispensables. Il n’y a aucune raison pour ne pas réaliser les élections ce dimanche.
RFI : Le matériel de vote, est-il prêt ?
Edmond Mulet : Oui, tout le monde est prêt. Il y a 66 partis politiques, il y a 18 candidats à la présidence, il y a des douzaines de candidats pour le Sénat, il y a des centaines de candidats pour la Chambre basse. L’aspect sécurité, tous les dispositifs et mesures, tout est prêt. Et ce qui est le plus important, c’est la volonté du peuple haïtien d’aller aux urnes. Vous allez voir : la participation sera massive, sera très importante.
RFI : Alors pendant la campagne électorale, on a entendu l’une des candidates à la présidence qui est d’ailleurs donnée parmi les favoris, Mirlande Manigat, qualifier l’ONU de « force d’occupation ». Comment réagissez-vous ?
Edmond Mulet : Nous sommes une mission de maintient de la paix par invitation du gouvernement haïtien et par une disposition du Conseil de sécurité. Et j’espère qu’avec le nouveau gouvernement, avec Madame Manigat si elle est élue, ou une autre personne, un autre président, on pourra travailler pour accomplir les tâches que nous a demandées le Conseil de sécurité dans beaucoup d’aspects pour que la mission puisse à un moment partir. Vous savez que dans l’histoire des missions de maintien de la paix, plus de 60 dans le monde, plus de 50 sont déjà parties. Il faut accomplir une tâche et après on partira. Mais je crois que si il y aura de bonnes élections, il y aura la stabilité nécessaire et la construction des capacités de l’Etat haïtien pourra aussi débuter afin de préparer le départ de cette mission. On est pas la pour toujours.
RFI : Ces derniers jours, une rumeur a fait porter à l’ONU une responsabilité dans l’épidémie de choléra. Comment vous l’expliquez ?
Edmond Mulet : Nous étions très préoccupés par cette possibilité. Nous avons donc fait des testes : le ministère de la Santé, la mairie locale où se trouve la base de la Minustah. Nous avons fait des testes internes nous même, des testes en République dominicaine dans des laboratoires indépendants, l’Organisation mondiale de la Santé, l’Organisation panaméricaine de la Santé, le centre « Deseas control » de l’Atlanta aux Etats-Unis, des épidémiologistes français, européens, américains, japonais sont venus sur le terrain pour connaitre l’origine de cette maladie et comment elle se propage. Et jusqu’à présent, tous les testes, je dis-bien tous les testes ont été négatifs. Aucun soldat, ni népalais, ni d’aucun autre contingent de quelque autre nationalité, aucun civil, aucun policier de la mission des Nations unies n’a été frappé par cette maladie. Mais il est très important de continuer les enquêtes pour voir par quel chemin l’épidémie est arrivée dans le pays. Il y a beaucoup de théories, il y a beaucoup d’opinions des expertes et des hommes de sciences.
RFI : Ces rumeurs ont même été relayées par des responsables politiques et par certains candidats qui se présentent dimanche.
Edmond Mulet : Il faut voir le contexte. Nous sommes en campagne électorale. Il y a aussi beaucoup de frustrations dans la population : l’absence de projets de reconstruction, la pauvreté, la misère. Dans ce contexte on cherche toujours un bouc émissaire. Le maire de Mirbalais par exemple, qui a lancé de telles accusations, est candidat au Sénat et pas bien placé dans les sondages. Il y a beaucoup de manipulation, beaucoup d’agendas politiques. Je crois qu’il faut voir les choses dans leur contexte et attendre aussi les investigations, pas des politiciens mais des hommes des sciences, des médecins et des experts.
RFI : Alors un transfert des pouvoirs est prévu le 7 février 2011. Cet engagement est-il tenable ?
Edmond Mulet : Oui, s'il y a, comme je l’espère, des bonnes élections ce dimanche, il y aura très probablement un deuxième tour le 16 janvier 2011, non seulement pour la présidence mais aussi pour certains sièges au Sénat et à la Chambre des députés. Tout sera alors prêt pour l’installation d’un nouveau président, d’un nouveau gouvernement le 7 février de l’année prochaine.
Propos recueillis par Caroline Paré