Etats-Unis : la bataille du Sénat, enjeu des élections de mi-mandat

Jour J ce mardi 2 novembre 2010 pour les élections de mi-mandat qui menacent la majorité de Barack Obama au Congrès. S’il est vraisemblable que la Chambre des représentants passe à droite, le président espère préserver le Sénat de la débâcle. Il a en tout cas mis ces derniers jours toutes ses forces dans cette bataille.

De notre envoyée spéciale,

A la veille d’élections qui monopolisent depuis des mois les efforts de la classe politique américaine, les perspectives demeurent plutôt sombres pour les démocrates : la Chambre des représentants, qui sera renouvelée dans l’intégralité de ses 435 membres, risque sérieusement de changer de couleur ; les conservateurs du Parti républicain ont sans conteste le vent en poupe auprès d’une opinion désenchantée, deux ans après la victoire historique de Barack Obama à la Maison Blanche.

Les démocrates qui, depuis quatre ans, bénéficient d’une majorité dans cette même chambre basse - ils y ont en particulier obtenu en 2008, dans la foulée de l’élection d’Obama, 257 sièges contre 178 à leurs adversaires républicains - devraient se retrouver avec des forces sensiblement réduites à l‘issue de l‘épreuve électorale de mardi.

Le précédent Clinton

Une situation assez courante dans la vie politique américaine deux ans après un scrutin présidentiel, mais qui pourrait atteindre des proportions rappelant le revers infligé à Bill Clinton en 1994 : ce président démocrate avait alors été le témoin d’un véritable raz-de-marée législatif républicain, avec l’arrivée au Capitole de 52 nouveaux députés de ce parti. Aujourd’hui, il suffit à l’opposition de l’emporter dans 39 circonscriptions actuellement aux mains de démocrates pour prendre le contrôle de la Chambre des représentants, et certains sondages lui en ont prédit non loin de 50...

Au Sénat, en revanche, tout reste possible : la chambre haute étant renouvelée tous les deux ans par tiers, seuls 37 des 100 sièges de sénateurs sont en jeu (les 33 ou 34 qui correspondent normalement à ce tiers prévu par la Constitution, auxquels se sont ajoutés les quelques sièges d’actuels responsables de l’exécutif national, comme Hillary Clinton ou Joe Biden, sénateurs remplacés de façon transitoire après leur arrivée au gouvernement).

Les démocrates disposent actuellement de 57 élus dans la chambre haute (une majorité confortable mais qui ne les met cependant pas à l’abri d’une éventuelle obstruction parlementaire de l’opposition, dite filibuster, qu’ils ne peuvent surmonter qu’avec une super-majorité de 60 voix) et ils comptent sur l’appoint de deux sénateurs indépendants. Il faudrait que les républicains conquièrent 10 nouveaux sièges au Sénat, mardi, pour renverser la majorité démocrate.

Au secours des sénateurs en péril

10 sièges sur 37, c’est beaucoup, mais pas tout-à-fait impossible. D’où les efforts déployés par Barack Obama (et par son épouse Michelle), tout particulièrement ces derniers jours, pour aller porter la bonne parole dans les Etats vulnérables : le Nevada, où l’actuel chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, est menacé par Sharron Angle, une candidate républicaine aux mots d’ordre très Tea-Party ; la Pennsylvanie, où Joe Sestak, qui porte les couleurs démocrates, est devancé dans les sondages par son rival Pat Toomey ; et surtout l’Illinois, où le propre siège que Barack Obama occupait depuis 2004 - jusqu’à son élection à la Maison-Blanche - est en danger d’être conquis par le républicain Mark Kirk !

Les vétérans eux-mêmes sont en péril. Dans le Wisconsin, le sénateur Russ Feingold, élu et réélu depuis 1992, est en train de se faire damer le pion par Ron Johnson, un autre proche du mouvement des Tea-Party. Dans l’Etat de Washington, c’est Patty Murray qui, quoique possédant la même ancienneté, est elle aussi menacée, par le républicain Dino Rossi. Jusqu’à la Californie où Barbara Boxer, encore et toujours de la «promotion» 92, nourrirait quelques craintes…

Car la politique américaine, d’ordinaire plutôt déférente pour les sortants, ou incumbents, semble respecter beaucoup moins ses Seniors. Les réflexes «anti-establishment » ont été exacerbés par les militants Tea-Party précisément, qui semblent parfois traiter presque aussi cavalièrement les notables de leur propre Parti républicain qu’ils bousculent les élus démocrates… Un rejet de la classe politique traditionnelle qui s’appuie d’abord sur la profonde crise économique que vit le pays et qui touche directement quelque 20% d’Américains.

Les gouverneurs aussi…

Une défaite des démocrates risque en tout cas de faire disparaître du devant de la scène deux responsables qui l’ont beaucoup occupé ces deux dernières années : Nancy Pelosi, si la Chambre des représentants passe à droite et se choisit un président républicain, et au Sénat Harry Reid qui, en tant que chef du groupe démocrate, a aussi présidé à toutes les grandes batailles législatives de la présidence Obama, mais qui pourrait donc ne même pas retrouver son siège ; un risque qui, au moins, sera normalement épargné à Nancy Pelosi. L’élection massive de gouverneurs républicains, si par ailleurs elle se produisait (37 postes sur 50 seront pourvus mardi), assombrirait encore les perpectives du camp présidentiel, ne serait-ce que parce qu’un certain nombre d’entre eux doivent procéder à un redécoupage électoral l’an prochain.

Les responsables démocrates ont éprouvé le plus grand mal à remobiliser les catégories d’électeurs qui avaient fait le triomphe de Barack Obama en 2008. L’envie d’aller voter n’est plus, comme il y a deux ans, du côté des minorités, des femmes ou des jeunes, c’est désormais la rage des opposants à l’interventionnisme fédéral qui a animé la campagne, la déchaînant contre des politiques impuissantes à endiguer la crise et le creusement d’une dette nationale vertigineuse.

Barack Obama devrait donc logiquement se préparer à une cure de cohabitation, même s’il a des raisons d’espérer que le Sénat restera à majorité démocrate. C’est en tout cas cette bataille-là qu’il a menée jusqu’au bout, en gardant néanmoins à l‘esprit qu‘avec le succès du vote anticipé, un bon tiers des électeurs se sont vraisemblablement déjà prononcés au cours des semaines écoulées…

Le président garderait cependant dans sa manche des armes institutionnelles fortes, comme le veto, susceptibles de contraindre une éventuelle nouvelle majorité à rechercher des accommodements et à éviter un affrontement de tous les instants. Après tout, la claque magistrale expérimentée en 1994 par Bill Clinton ne l’avait pas empêché d’être réélu confortablement deux ans plus tard.

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