Si les électeurs ont décidé d’infliger un revers au parti de Barack Obama, est-ce à lui avant tout que le message s’adresse? Faut-il y voir une sorte de plébiscite - ou plutôt de contre-plébiscite ? Incontestablement, quoique les « Midterm » soient traditionnellement difficiles pour le parti du président. C’est d’autant plus vrai ici que Barack Obama a incarné, cristallisé sur sa personne, beaucoup de passions politiques. Ainsi que beaucoup d’espoirs qui, à l’heure d’un bilan intervenu aussi rapidement, sont déçus. Car les Américains peuvent avoir le sentiment que les promesses de changement n’ont pas été tenues.
Le directeur de la revue Harper’s Magazine, John McArthur, énumère, et sans concession, toutes ces déceptions : la prison de Guantanamo qui n‘a pas été fermée comme le président s‘y était engagé ; la guerre « qui s‘intensifie en Afghanistan » alors que le candidat Obama avait courtisé le parti antiguerre ; la régulation financière, qui en fin de compte n’a pas touché « aux privilèges des banques » ; enfin une réforme de la santé insuffisante, sans option publique, qui aurait aussi pour effet de « faire cadeau aux compagnies d’assurance » de 30 millions de nouvelles polices privées.
Et puis il y a ce que vivent au quotidien des millions d’Américains : le chômage, le sous-emploi, et tous les maux qui s’y rattachent ; c’est sans doute de cela qu’ils font le plus grief à Obama. Il faut se rappeler que lors de la campagne des primaires en 2008, et singulièrement dans l’Ohio, poursuit John McArthur, il attaquait Hillary Clinton pour avoir soutenu l’Alena, l’accord de libre-échange nord-américain, « qui présageait la fuite des emplois au Mexique », puis par la suite en Chine. Or, les chômeurs de l’Ohio pourraient bien faire payer à Barack Obama le fait de n’avoir finalement pas touché à l’Alena.
Jamais depuis Roosevelt...
La crise, qui avait éclaté avant qu’Obama n’arrive à la Maison Blanche, a par ailleurs joué un rôle décisif dans les contre-performances enregistrées ces derniers mois. C‘est ce que soulignent ceux qui soutiennent le président, comme cette électrice noire rencontrée à New York. « On voudrait que les choses aient déjà été faites hier. Les Américains sont trop impatients. Pensez à ce dont il a hérité : des problèmes majeurs, auxquels les autres présidents n’ont pas été confrontés. Depuis Roosevelt, on n’avait jamais été dans une telle situation ».
Face à cette volonté de sanctionner Barack Obama, les candidats de son parti ont parfois été tentés de prendre leurs distances : de se concentrer ostensiblement sur les enjeux locaux, voire de snober un président pourtant désireux de leur apporter un soutien. Car les républicains harcelaient ceux qui avaient voté au Congrès pour les deux lois-phares du début de mandat : la réforme du système de santé et le plan censé stimuler l’économie.
Les démocrates ont aussi tenté de remobiliser les minorités, mais aussi les femmes, l’ensemble de leurs électeurs traditionnels qui, selon tous les sondages, sont aujourd’hui tentés par l’abstention. Le candidat Andrew Cuomo au poste de gouverneur de l’Etat de New York a ainsi décrié dans ses meetings le programme de ses adversaires : « Ils sont contre le droit à l’avortement, même en cas de viol et d’inceste. Sur la question de l’immigration, ils veulent organiser un référendum pour autoriser le fichage ethnique et les arrestations en pleine rue de ceux qui sont soupçonnés d’être des sans-papiers ».
Mais ces efforts risquent bien d’être insuffisants pour enrayer la défaite annoncée.