Avec 96 sièges (sur 165) conquis par son parti, le PSUV (le Parti socialiste uni du Venezuela), Hugo Chavez dispose toujours d'une nette majorité à l'Assemblée nationale. « Une victoire solide, suffisante pour approfondir le socialisme », écrit le président vénézuélien dans un message sur son compte Twitter. Mais les sympathisants des deux camps ne s'y sont pas trompés qui ont « célébré » ces résultats à Caracas comme s'il y avait une inversion des rôles : joyeusement dans les rangs de l'opposition, avec des visages plus moroses du côté du parti au pouvoir.
La contreperformance des chavistes peut s'apprécier selon plusieurs critères. D'abord celui du nombre de sièges obtenus : si le parti au pouvoir cache mal sa déception de « seulement » frôler désormais le pourcentage de 60% des élus au sein de l'unique Chambre du parlement vénézuélien, c'est parce qu'en restant en deça de ce pourcentage, il va vraisemblablement échouer à réunir deux seuils de majorité qualifiée (même si six sièges non attribués sont encore dans la balance), qui lui auraient donné une totale marge de manoeuvre, comparable à celle dont il disposait dans l'assemblée sortante.
Pas de majorité qualifiée
Certes, le PSUV savait bien qu'il lui faudrait en rabattre par rapport à sa situation antérieure de quasi-unanimité, due au boycottage par l'opposition des précédentes élections législatives de 2005. Mais il comptait, grâce en particulier à un récent redécoupage électoral avantageant très clairement les régions peu peuplées pro-chavistes, taillé sur mesure par un Parlement devenu une simple chambre d'enregistrement des voeux présidentiels, atteindre deux seuils critiques : dans le meilleur des cas, la majorité des deux tiers, soit 110 sièges, et sinon celle des trois cinquièmes, soit 99 sièges.
La première, définitivement hors de portée, lui aurait permis d'adopter des lois organiques, clés des bouleversements institutionnels vers le « socialisme » qu'Hugo Chavez ambitionne d'instaurer, ainsi que de garder la haute main sur les nominations aux très hauts postes de l'Etat, notamment judiciaires. La seconde (encore théoriquement accessible pour le PSUV tant que ne sont pas publiés tous les résultats définitifs ) aurait suffi à rendre possible le vote de pouvoirs spéciaux au président, alors autorisé à légiférer par voie de décrets sans tenir compte d'un éventuel blocage parlementaire.
Mauvais présages pour l'élection de 2012
Néanmoins, le revers le plus cuisant infligé à Hugo Chavez ne se calcule pas en nombre de sièges, mais en nombre de voix. C'est l'opposition elle-même qui l'a annoncé, face au silence prolongé sur ce point des instances électorales officielles : 52% des électeurs vénézuéliens auraient voté, au niveau national, pour l'ensemble des partis regroupés dans la Table de l'Unité démocratique, la coalition qui incarne le rejet du chavisme.
Cette remarquable poussée en termes de suffrages, si elle se confirme, montre combien le récent redécoupage électoral est « pervers », comme le dit l'opposition. Mais elle suggère surtout qu'Hugo Chavez lui-même aurait été battu dimanche 26 septembre 2010 s'il s'était agi d'une élection présidentielle. Le constat est amer pour un président, d'ores et déjà futur candidat déclaré, qui avait fait de ce scrutin la répétition générale de la prochaine course à la magistrature suprême en 2012.
Les deux prochaines années s'annoncent en tout cas plus complexes que prévu pour Hugo Chavez, et plus incertaines pour le chavisme de plus en plus radical que voulait mettre en oeuvre l'inventeur de ce mouvement populiste de gauche, viscéralement hostile à Washington, qui a fait quelques émules dans la région. Pour gouverner, Hugo Chavez devra désormais composer avec une opposition, il est vrai, si hétéroclite qu'il devrait être tenté d'y enfoncer quelques coins.