De notre correspondante régionale,
Il y a une réalité, l’économie du pays est à genou. Il y a deux semaines, le gouvernement a dû émettre des obligations parce qu’il n’avait plus de liquidité pour payer ses fonctionnaires. Le pays utilise encore aujourd’hui des dollars américains, sa propre devise ayant été abandonnée il y a huit ans à cause de l’hyper inflation. Cette conférence se tient donc sur fond de crise économique, mais aussi de mécontentement social. On a vu depuis le début de l’année de nombreuses manifestations, certaines violentes, que la Zanu-PF ne peut pas se permettre d’ignorer.
En dépit d'une image d’unité, le parti est profondément divisé, plus qu’il ne l’a jamais été. La guerre de faction s’est intensifiée entre les différents groupes qui veulent succéder au président Mugabe. Celui-ci, qui va avoir 93 ans en février, a clairement indiqué qu’il allait se présenter aux élections de 2018. Mais on l’a vu ces derniers mois lors de ses différentes apparitions en public, il est très affaibli. Deux factions sont donc en train de se positionner pour l’après-Mugabe.
Guerre de clans
« Les deux principaux clans sont : tout d’abord celui qui gravite autour du vice-président Emmerson Mnangagwa, qu’on surnomme la faction Lacoste et qui comprend une partie de l’armée et des services de renseignements. L’autre faction est surnommée le G40 et comprend des gens plus jeunes, comme Jonathan Moyo, Saviour Kasukuwere et Grace Mugabe, même s’il y a aussi des tensions entre eux. Et bien sûr, Mugabe joue ces factions les unes contre les autres et ne s’est pas rangé derrière l’une ou l’autre. Il a toujours fait ça, pour affaiblir ses rivaux et renforcer ses pouvoirs », explique l’analyste politique Brian Raftopoulos.
Pour plusieurs experts ces divisions, qui se sont intensifiées et qui sont parfois affichées publiquement, montrent que le chef de l’Etat est en train de perdre son emprise sur le parti. Reste la question de sa femme, Grace Mugabe. Cela fait des années qu’on a l’impression qu’elle se prépare à prendre le pouvoir après son mari. Elle a obtenu des diplômes, elle a été nommée à la tête de la Ligue des femmes de la Zanu-PF. Elle s’engage de plus en plus publiquement. Par exemple, le mois dernier alors qu’elle s’adressait à la ligue des femmes de la Zanu-PF, elle a lancé : « Je suis déjà présidente, car je fais tout avec mon mari ».
Grace Mugabe contestée
De nombreux analystes estiment qu’elle prépare le terrain. Mais pour Piers Pigou, analyste à ICG, International Crisis Group, Grace Mugabe n’est pas une candidate de poids : « Certains pensent qu’elle veut en effet installer un genre de dynastie, mais la question est : peut-elle prendre le pouvoir et surtout le garder. Ses propos ces derniers mois montrent une attitude de défi, elle estime avoir le droit et l’ambition de reprendre la présidence. Mais beaucoup de gens pensent que c’est impossible sans son mari, qu’elle ne serait pas capable de garder le soutien de l’armée et des services de sécurité qu’elle a insulté et contrarié a plusieurs reprises cette année ».
Ce congrès se tient donc dans un contexte tendu de rivalité, de division. La Zanu-PF n’a jamais été aussi faible. Mais de son côté, l’opposition est tout aussi affaiblie par ses propres divisions.