Rwanda: soupçons sur les pétitions pour une réforme de la Constitution

Environ 3,6 millions de Rwandais sur quelque 6 millions d'électeurs ont signé des pétitions réclamant une réforme de la Constitution ouvrant la voie à un troisième mandat pour Paul Kagame. Elu en 2003 et 2010, ce dernier ne peut théoriquement pas se représenter en 2017. Et dans un pays souvent critiqué en matière de liberté d'expression et dans lequel le parti au pouvoir est présent à chaque échelon de la société, certains témoignages laissent à penser que ces pétitions ne sont pas toujours aussi spontanées que les autorités l'assurent.

C'est souvent en chanson que les représentants des pétitionnaires déposent leurs signatures au Parlement. Aimable Ngendahayo, 35 ans, en a fait partie et ne tarit pas d'éloges sur le président en exercice.

« Kagame c'est un homme spécial, c'est un don de Dieu, c'est lui qui a arrêté le génocide. Alors si vous voyez quelqu'un comme ça qui aime son peuple qui développe le pays... On veut qu'il continue. » Aimable Ngendahayo raconte avoir pris cette initiative d'une manière spontanée avec un groupe d'amis rencontré sur les réseaux sociaux.

Mais certains témoignages jettent un climat de suspicion sur ces pétitions en masse et dépeignent un mouvement un peu plus organisé et un climat de peur. Un Rwandais qui ne souhaite pas révéler son identité affirme avoir été surpris que les responsables de sa coopérative profitent d'une réunion professionnelle pour faire circuler une pétition. « J'ai fait semblant d'aller aux toilettes et je suis sorti. Ces dirigeants de ces groupes sont des membres du parti au pouvoir, nous avons peur de ces responsables. Nous connaissons beaucoup de gens qui ont été renvoyés car ils avaient refusé les demandes du parti au pouvoir. »

D'autres témoignages recueillis par RFI font état de porte-à-porte d'autorités locales dans les quartiers. De fait, un habitant de Kigali raconte avoir signé la pétition de peur d'être étiqueté comme un ennemi de l'Etat. Du côté du gouvernement et du parti au pouvoir, on dément formellement toute coercition et tout porte-à-porte des autorités, répétant que ces 3,6 millions de signatures reflètent un sincère engouement populaire.

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